Le harcèlement moral au travail soulève régulièrement des contentieux relatifs au licenciement et à sa nullité. La jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2025, apporte des précisions majeures : elle encadre les conditions dans lesquelles un licenciement prononcé dans un contexte de harcèlement peut être annulé. Cette décision renforce à la fois la protection des salariés victimes et les obligations des employeurs en matière de prévention et de justification des mesures disciplinaires.

Le contexte du harcèlement moral et juridictions prud’homales : rappel des principes

Le harcèlement moral, défini par le Code du travail, se caractérise par des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible d’affecter sa dignité, sa santé mentale ou physique, ou même compromettre son avenir professionnel. Cette définition couvre des situations très diverses : mutations injustifiées, mise à l’écart, insultes répétées, critiques permanentes, conditions de travail dégradées, absence de communication, etc.

À ce titre, la loi impose à l’employeur une obligation de prévention, de protection, et de faire cesser les faits de harcèlement qui lui sont signalés. Par ailleurs, le salarié victime ou témoin de harcèlement bénéficie d’une protection particulière. Et même le salarié lanceur d’alerte. Il ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi, refusé de subir ou dénoncé ces faits. En cas de violation de cette protection, la nullité du licenciement doit être prononcée, ouvrant droit à des réparations significatives.

Jusqu’à récemment, la jurisprudence a parfois considéré que la simple constatation de faits laissant présumer un harcèlement moral suffisait à annuler un licenciement intervenu dans ce contexte. L’arrêt du 9 avril 2025 affine cette vision en introduisant une exigence probatoire stricte.

Nullité du licenciement pour harcèlement moral : apport de l’arrêt du 9 avril 2025

Dans cette affaire, une salariée, après avoir été licenciée pour faute, a invoqué un harcèlement moral pour contester la rupture de son contrat. La Cour d’appel avait prononcé la nullité du licenciement en se fondant sur l’existence d’éléments laissant supposer un harcèlement (mutations lourdes, exclusion des plannings, avertissements injustifiés, etc.) et sur l’absence par l’employeur d’une preuve contraire. Pourtant, la Cour de cassation a cassé cette décision.

La Chambre Sociale rappelle que deux conditions cumulatives doivent impérativement être réunies pour que la nullité soit prononcée :

  1. Le salarié doit avoir effectivement subi ou refusé de subir un harcèlement moral établi selon les critères légaux.
  2. Il doit être démontré que le licenciement est lié directement au fait d’avoir subi ou refusé ce harcèlement.

Cette exigence de lien de causalité entre le harcèlement et la décision de licenciement est fondamentale. La Cour indique clairement que la simple coexistence d’un harcèlement moral concomitant avec un licenciement ne suffit pas. Le juge du fond doit caractériser le motif réel du licenciement en le rattachant explicitement aux faits de harcèlement.

Ainsi, lorsque la juridiction d’appel se contente de constater l’existence de faits de harcèlement sans élucider l’origine du licenciement, sa décision est censurée pour défaut de base légale. Ce raisonnement redéfinit l’équilibre entre la protection des victimes et la nécessité d’une appréciation rigoureuse des faits dans l’application du droit disciplinaire.

Une protection renforcée, mais nuancée, au service d’une justice équilibrée

Cet arrêt ne remet pas en cause la protection fondamentale offerte au salarié victime : il rappelle que cette protection exclut tout licenciement pour cause liée au harcèlement ou à sa dénonciation. Par ailleurs, en cas de harcèlement avéré, des dommages-intérêts importants peuvent être obtenus par la victime, même si le licenciement n’est pas annulé.

Mais surtout, la décision affirme une exigence d’imputabilité claire et précise entre le harcèlement et la rupture. Elle invite les juges du fond à examiner les motivations réelles de l’employeur, en s’assurant que les motifs disciplinaires invoqués pour le licenciement ne dissimulent pas une sanction liée au harcèlement. Cette exigence empêche un renversement automatique de la charge de la preuve et impose une rigueur procédurale forte.

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Jurisprudence récente sur le harcèlement moral et sexuel au travail

Cette évolution s’inscrit dans une dynamique jurisprudentielle plus large.

  • Par exemple, la Cour de cassation a confirmé, fin mars 2025, que le harcèlement sexuel ambiant (propos et comportements ayant lieu devant plusieurs personnes, sans ciblage direct) est constitutif d’une infraction engageant la responsabilité de l’employeur. Cette notion élargit le champ de protection au-delà du harcèlement individuel et précise la vigilance due dans l’environnement de travail.
  • Elle a également entendu reconnaître le harcèlement moral institutionnel, lié à une politique d’entreprise, engageant personnellement la responsabilité pénale des dirigeants qui imposent un cadre de travail dégradant à toute une collectivité, même sans victimes individualisées distinctes.
  • Le harcèlement n’a plus besoin d’être répété par un même individu pour être caractérisé notamment en matière de cyberharcèlement, dès lors que des propos ou comportements similaires viennent de plusieurs auteurs agissant ensemble ou en connaissance des faits passés.
  • Enfin, la Cour rappelle la protection absolue des témoins et des lanceurs d’alerte qui dénoncent ces faits, en interdisant tout licenciement ou sanction à leur encontre, sauf en cas de mauvaise foi avérée démontrée très strictement.

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Conséquences pratiques pour les employeurs et salariés en cas de harcèlement moral

Ces évolutions jurisprudentielles accentuent la nécessité pour les employeurs de :

  • Mettre en place des dispositifs robustes de prévention et de traitement des situations de harcèlement (enquêtes internes, formation du personnel, politiques claires),
  • Prendre en compte la jurisprudence récente pour adapter leurs pratiques disciplinaires,
  • Documenter précisément les motifs de licenciement lorsque des faits de harcèlement sont dénoncés ou suspectés,
  • S’assurer que toute mesure disciplinaire repose sur des faits objectifs étrangers au harcèlement.

Pour les salariés, cette reconnaissance renforce la confiance dans les recours judiciaires tout en imposant la nécessité d’une preuve cohérente : il faudra démontrer non seulement le harcèlement, mais aussi le lien de causalité avec la sanction. La jurisprudence récente encadre également les preuves admissibles (témoignages anonymisés sous conditions, preuve illicite dans certains cas) pour garantir un équilibre entre droits de la défense et protection des victimes.

Conclusion : un arrêt clé sur la nullité du licenciement en cas de harcèlement moral

L’arrêt du 9 avril 2025 constitue une avancée juridique majeure en matière de harcèlement moral au travail. En affirmant que la nullité du licenciement ne peut être prononcée que s’il est établi un lien de causalité direct entre le harcèlement subi ou dénoncé et la rupture du contrat, la Cour de cassation impose un cadre jurisprudentiel clair et rigoureux. Cette décision contribue à une meilleure sécurité juridique, qui protège efficacement les victimes tout en évitant l’annulation systématique des licenciements en contexte de harcèlement.

Elle rappelle aussi l’importance pour les juges, employeurs et salariés d’appréhender le harcèlement non seulement comme un ensemble de faits dommageables, mais aussi dans sa relation avec les conséquences juridiques concrètes telles que le licenciement. En ce sens, cette jurisprudence consolide la lutte contre le harcèlement moral et sexuel au travail, au profit d’une justice équilibrée, protectrice et cohérente.

Par Laurent Meillet
Le 15 septembre 2025

Protection du salarié face au harcèlement moral et à la nullité du licenciement

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