Depuis l’entrée en vigueur de la loi « Marché du travail », la présomption de démission en cas d’abandon de poste est devenue un mécanisme juridique essentiel. Cette mesure permet à l’employeur de considérer qu’un salarié en contrat à durée indéterminée (CDI) a démissionné s’il ne reprend pas son poste après une mise en demeure restée sans réponse.
Préambule : les cas de rupture d’un contrat de travail
Le contrat de travail est par définition un contrat bilatéral appelé aussi synallagmatique, au terme duquel l’employeur s’engage à régler un salaire en contrepartie du travail fourni par le salarié.
Le contrat de travail se rompt par la démission du salarié, la rupture conventionnelle entre l’employeur et le salarié, la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur ou le licenciement.
Mais, on l’oublie trop souvent, le contrat de travail peut aussi se rompre par le décès du salarié ou de l’employeur particulier dans certains cas et dans certaines conditions en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise.
Tout contrat à durée indéterminée peut être rompu unilatéralement, c’est-à-dire par la volonté d’une seule des parties au contre, et parfois, le contrat de travail à durée déterminée.
Quelle forme doit revêtir la démission du salarié ?
La démission est un acte unilatéral.
S’il n’y a pas de forme particulière, l’écrit est vivement conseillé.
En réalité, il existe plusieurs types de démission :
La démission pure et simple
Sur le fond, la démission doit être claire et non équivoque, autrement dit, elle doit manifester la volonté de rompre le contrat. Elle doit être également donnée avec un consentement libre et éclairé, sans pression, contrainte ou colère qui pourrait remettre en cause la démission.
La démission abusive
Mais attention, si la démission est abusive, elle peut ouvrir droit à des dommages et intérêts pour l’employeur (article L.1237-2 du Code du travail) auquel le nouvel employeur peut être solidairement tenu (article L.1237-3 du Code du travail).
La prise d’acte de la rupture à l’initiative du salarié
C’est une rupture unilatérale du contrat de travail que notifie le salarié à son employeur auquel il lui reproche des manquements graves rendant la poursuite du contrat impossible, même pendant le préavis.
Ensuite, le salarié saisit directement le Bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui appréciera les manquements pour requalifier la rupture, selon leur gravité, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux trots de l’employeur ou au contraire, en une démission pure et simple aux torts du salarié.
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Comprendre la présomption de démission en cas d’abandon de poste
C’est nouveau. Jusqu’en 2022, lorsque le salarié était absent sans motif, ou ne revenait pas travailler, l’employeur était tenu de procéder à son licenciement pour faute grave d’abandon de poste, après une mise en demeure de justifier de son absence restée infructueuse.
Alors qu’il ne voulait pas se séparer du salarié, l’employeur était contraint d’engager une procédure de licenciement et à lui régler finalement des indemnités, en risquant d’exposer des frais d’avocat, notamment en cas de contentieux devant le Conseil de prud’hommes.
C’était en réalité un licenciement forcé permettant au salarié de percevoir les allocations-chômages, quand l’employeur ne voulait pas conclure une rupture conventionnelle.
Le régime juridique de la présomption de démission
Vous l’aurez compris, la démission ne pouvant se déduire de la simple absence du salarié, laquelle ne manifeste pas sa volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail, le mécanisme de la mise en demeure préalable inverse cette manifestation en créant une présomption, c’est-à-dire une supposition pouvant créer des droits. Mais cette présomption est simple et peut être aisément combattue.
La Loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022, dite « Marché du travail », a introduit une présomption de démission en cas d’abandon volontaire de son poste par le salarié en contrat à durée indéterminée. Ce dispositif est entré en vigueur le 19 avril 2023 avec le Décret d’application n°2023-275 du 17 avril 2023.
L’article L.1237-1-1 du Code du travail dispose que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, de minimum de 15 jours, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.
Mise en demeure préalable et présomption de démission pour abandon de poste
Par sa décision rendue le 18 décembre 2024, le Conseil d’État complète le Décret d’application en précisant que la mise en demeure susceptible de faite naître la présomption de démission doit nécessairement informer le salarié des conséquences pouvant résulter de l’absence de reprise du travail, sauf motif légitime justifiant son absence (CE, 18 déc. 2024, n°473640).
Naturellement, le salarié qui conteste l’absence de motif de son abandon de poste, doit répondre au plus tard dans les 15 jours de la première présentation de la mise en demeure, pour faire obstacle à la présomption qui naîtrait de son silence.
Il peut ainsi invoquer notamment, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L.4131-1 du Code du travail, l’exercice du droit de grève prévu à l’article L.2511-1 du Code du travail. Il peut aussi invoquer son refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation, un manquement grave de son employeur empêchant toute poursuite du contrat de travail ou la modification du contrat de travail à l’initiative de son employeur.
Il peut aussi reprendre son poste.
L’employeur devra alors en tirer les conséquences, mais il ne pourra pas se prévaloir de la présomption de démission.
Si le salarié reste silencieux pendant le délai imparti par l’employeur dans sa mise en demeure, la présomption de démission est acquise au terme de ce délai.
En cas de présomption de démission, le salarié n’a pas droit aux allocations-chômage, mais seulement aux documents de fin de contrat et aux sommes que l’employeur est tenu de lui verser en cas de démission.
Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le Conseil de prud’hommes.
C’est un des rares cas où l’affaire est directement portée devant le Bureau de jugement, sans avoir à passer devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation. Le Bureau de jugement se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées.
Analyse juridique de la présomption de démission suite à un abandon de poste
Le législateur manifeste sa volonté de développer les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC), qui comprennent notamment la médiation et la conciliation.
On peut s’étonner que les procédures devant le Conseil de prud’hommes dans les cas de présomption de démission du salarié qui abandonne son poste ou de prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, soient exemptées d’audience devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation.
Ces procédures sont prioritairement jugées par le Bureau de jugement, avant les autres qui le méritent tout autant.
C’est peut-être là qu’une injonction de rencontrer un médiateur pourrait être décernée automatiquement par le Président du Conseil de prud’hommes, en vertu des dispositions de l’article 127-1 du Code de procédure civile.
Conseils pratiques en cas de présomption de démission en cas d’abandon de poste
Adressez toujours votre mise en demeure par lettre recommandée pour éviter toute contestation. En effet, on ne voit pas en pratique un employeur remettre une mise en demeure à un salarié absent, en main propre contre décharge.
En théorie, le Conseil de prud’hommes est tenu de statuer dans un délai d’un mois à compter de sa saisine, mais en pratique, les délais d’audiencement sont malheureusement plus longs. Aucun recours n’est possible contre ces délais parfois très longs, sauf s’ils s’avéraient manifestement incompatibles avec le droit d’accès à la justice, ce qui reviendrait à un déni de justice susceptible d’ouvrir droit à une indemnisation.
Par Laurent Meillet
Le 21 avril 2025
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