La réforme des régimes matrimoniaux 2024 marque une étape importante dans l’évolution du droit patrimonial de la famille. Cette réforme vise à clarifier la gestion des biens entre époux et à renforcer la protection des conjoints en cas de séparation ou de décès.
Introduction : comprendre la réforme des régimes matrimoniaux 2024
Le droit des régimes matrimoniaux en France est une composante essentielle du droit de la famille qui régule l’organisation patrimoniale des époux avant, pendant, et après leur union. Son évolution participe étroitement aux transformations sociales, culturelles et économiques de la société française. Depuis le Code civil de Napoléon en 1804, reconnu comme un pilier du droit civil français, ce droit n’a cessé d’évoluer pour s’adapter aux exigences de justice, d’égalité et de protection des époux. La réforme majeure entrée en vigueur en juin 2024 s’inscrit dans cette longue dynamique, marquant un tournant dans la protection patrimoniale des conjoints et la personnalisation des conventions matrimoniales.
I. Les Fondements Napoléoniens : un Code civil aux aspirations patriarcales (1804)
Promulgué le 21 mars 1804, le Code civil, communément appelé Code Napoléon, a pour ambition d’instaurer une uniformité juridique et de garantir la stabilité des institutions familiales et patrimoniales. Sur le plan matrimonial, il introduit la liberté contractuelle sur le choix du régime matrimonial, mais dans un cadre profondément inégalitaire.
En réalité, le Code consacre le rôle dominant du mari sur la femme, cette dernière étant placée sous sa tutelle juridique et économique. Elle est assimilée à une incapacité civile, comparable à celle des mineurs ou des personnes sous tutelle. Mariée, elle ne peut ni gérer ses biens ni accomplir certains actes juridiques sans l’autorisation de son mari. Ce régime patriarcal traduit la volonté de consolider l’autorité masculine au sein du foyer et d’assurer la continuité du patrimoine familial au bénéfice du chef de famille.
La communauté des biens meubles et acquêts, régime légal par défaut, prévoit que les biens acquis pendant le mariage appartiennent aux deux époux, mais la gestion reste essentiellement entre les mains du mari. Cette organisation reflète l’époque, où la femme était largement exclue de la sphère économique et où la famille était considérée comme une unité subordonnée à l’autorité masculine.
II. Les réformes du XXᵉ siècle vers l’égalité matrimoniale
Le XXᵉ siècle est marqué par une évolution progressive vers l’égalité entre époux, évolution qui suit celle de la société.
- 1938 : Abolition de l’incapacité juridique de la femme mariée
La loi du 18 février 1938 supprime le devoir d’obéissance de la femme envers son mari et lui accorde la capacité civile pleine et entière, bien que ce dernier conserve encore certains pouvoirs, notamment dans l’administration des biens communs. - Le régime dotal était un ancien régime matrimonial français avec lequel les biens apportés par la femme au mariage constituaient une dot pour aider le mari à supporter les charges du ménage. Ces biens étaient juridiquement séparés (inaliénables) et devaient être restitués à la femme ou à ses héritiers à la dissolution du mariage (divorce ou décès). L’administration et la jouissance des biens dotaux étaient confiées au mari, tandis que la femme en conservait la propriété théorique, mais sans droit de gestion pendant le mariage. Ce régime a été aboli par la Loi du 13 juillet 1965.
- 1965 : Réforme majeure vers l’égalité
La loi du 13 juillet 1965, souvent appelée réforme Carbonnier, du nom du grand professeur de Droit, est une étape décisive. Elle instaure la communauté réduite aux acquêts comme régime légal par défaut, offre aux époux une gestion concurrente des biens communs, et reconnaît la femme comme copropriétaire et gestionnaire à part entière. Cette réforme est considérée comme la véritable entrée dans une égalité juridique et patrimoniale des époux, modernisant ainsi profondément le droit matrimonial.
On appelle le régime légal, celui qui s’applique automatiquement sans recourir à un notaire. Inversement, si les époux ne veulent pas adopter le régime légal, ils devaient jusqu’en 2024 recourir à un notaire qui leur rédigeait un autre régime adapté à leur situation présente ou à venir et leurs besoins de protection, fréquemment liés à l’exercice de leur profession.
- 1985 : Gestion conjointe renforcée
La loi du 23 décembre 1985 complète ce mouvement en consacrant la gestion concurrente des biens communs, où chaque époux peut gérer et disposer des biens communs, sauf exceptions très limitées.
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III. Les régimes matrimoniaux au XXIᵉ siècle : évolutions et adaptation
Avec la complexification des parcours familiaux et la montée des enjeux économiques, les réformes des années 2000 témoignent d’une recherche d’équilibre entre autonomie, protection et personnalisation des régimes.
- 2001 et 2004 : Droits et procédures
La loi du 3 décembre 2001 renforce les droits successoraux du conjoint survivant et la loi du 26 mai 2004 simplifie le divorce, notamment en instaurant le divorce par consentement mutuel sans juge, accélérant les procédures. - 2019 : Facilitation de la contractualisation
La loi du 23 mars 2019 déjudiciarise davantage les changements de régime matrimonial, autorisant un changement simplifié dans certains cas, symbolisant la montée de la contractualisation et la prise en compte des besoins dynamiques des couples.
Ces réformes reflètent l’essor des modèles matrimoniaux personnalisés, où la liberté de choisir et d’adapter le régime matrimonial est valorisée, pour mieux répondre aux diverses situations économiques, professionnelles et familiales.
IV. La réforme des régimes matrimoniaux 2024 : nouveautés et impacts
La Loi n°2024-494 du 31 mai 2024, appliquée depuis le 2 juin 2024, constitue une mise à jour majeure de la législation des régimes matrimoniaux, destinée à renforcer l’équité et la protection des conjoints, en mettant en lumière deux axes principaux :
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L’Indignité Matrimoniale
Jusqu’alors, un époux reconnu coupable d’avoir causé la mort de son conjoint pouvait conserver les avantages du régime matrimonial, une situation incohérente et moralement contestable. La réforme introduit la notion d’« indignité matrimoniale » (articles 1399-1 et suivants du Code civil), inspirée du droit successoral.
Cela signifie que le conjoint indigne sera déchu de ses avantages matrimoniaux, notamment en cas de meurtre, violences graves ou dénonciation calomnieuse, protégeant ainsi la mémoire du défunt, les intérêts des héritiers, et renforçant la portée éthique du droit familial.
Il est cependant erroné de soutenir qu’avant la réforme de 2024, le conjoint qui tuait son conjoint pouvait en théorie, en droit français, hériter de ce dernier, comme s’il n’y avait pas de disposition juridique spécifique pour priver automatiquement un époux meurtrier de ses droits successoraux ou des avantages matrimoniaux liés au régime matrimonial.
C’est oublié un peu vite les dispositions de l’article 726-1 du Code civil qui rend indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ou pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.
Il ne faut donc pas soutenir que la réforme de 2024 vient combler une « faille » juridique. Déjà, un tel coupable était exclu de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. On ne voit pas dans ces conditions, comment un tel coupable aurait pu hériter de la personne qu’il a tuée.
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Modernisation du régime de la participation aux acquêts et de l’article 265 du Code civil
L’article 265 du Code civil a été revisité pour clarifier le statut des avantages matrimoniaux au moment du divorce. Sous l’ancienne rédaction, ces avantages étaient souvent révoqués automatiquement, ce qui vidait de son sens les clauses protectrices.
La nouvelle rédaction rend le divorce sans incidence sur les avantages matrimoniaux générés pendant le mariage, permettant une plus grande liberté contractuelle et la personnalisation des aménagements patrimoniaux, notamment dans le régime de la participation aux acquêts, longtemps marginalisé.
Cette évolution ouvre aux professionnels du droit et de la comptabilité de nouvelles perspectives pour conseiller les couples, gérer leur patrimoine et anticiper notamment les situations de séparation ou de décès.
V. Les nouveaux enjeux : flexibilité, protection et dimension internationale
La réforme de 2024 conclut un long cheminement et répond aux défis modernes, parmi lesquels :
- La flexibilité contractuelle accrue, avec la reconnaissance explicite de diverses clauses telles que celles d’attribution préférentielle et d’exclusion des récompenses, permettant ainsi aux couples d’adapter leur régime à leurs projets.
- La protection renforcée du logement familial, étendue aux résidences secondaires, ainsi que la réforme des dettes ménagères pour exclure les dettes excessives.
- L’intégration du cadre du Règlement européen 2016/1103 sur les régimes matrimoniaux, facilitant la reconnaissance internationale des régimes des couples binationales ou expatriés.
- L’introduction progressive de mécanismes spécifiques pour protéger les conjoints en situation de vulnérabilité cognitive.
Ces dispositifs traduisent la volonté du législateur de concilier autonomie individuelle et solidarité familiale dans un contexte de mobilité, de diversité des formes d’union et de complexité patrimoniale accrue.
Conclusion : portée et enjeux de la réforme des régimes matrimoniaux 2024
L’histoire du droit des régimes matrimoniaux en France est celle d’une lente émancipation, passant d’un système autoritaire patriarcal à un droit moderne centré sur l’égalité, la liberté contractuelle, et la protection des parties.
La réforme de 2024 ne fait pas exception : elle s’inscrit dans une tradition réformatrice longue, qui a su adapter au fil du temps le cadre juridique aux évolutions sociales et économiques. Elle marque une étape importante pour renforcer la cohérence, la sécurité juridique et l’équité au sein des familles.
Pour les couples, professionnels du droit et du patrimoine, cette réforme ouvre un nouveau champ d’action et de réflexion stratégique, invitant à revisiter la gestion patrimoniale conjugale avec des outils plus justes et adaptés aux réalités contemporaines.
Conseils pratiques : adapter son contrat de mariage à la réforme 2024
Nous avons enseigné les régimes matrimoniaux, et celui de la participation aux acquêts était mal vu comme trop complexe et incertain à régler. Avant la réforme de 2024, les professionnels recommandaient rarement l’adoption de ce régime matrimonial.
Ce régime nécessitait de reconstituer au moment de sa dissolution le patrimoine de chacun des époux au jour du mariage, soit parfois plusieurs décennies plus tôt. En effet, il était nécessaire de déterminer le patrimoine propre de chacun des époux pour calculer la créance de participation puisque ce régime de participation aux acquêts était un régime « hybride » entre un régime de séparation de biens pendant le mariage et un régime de communauté réduite aux acquêts en cas de dissolution par divorce ou décès.
La réforme de 2024 modifie le régime de participation aux acquêts en clarifiant et renforçant l’efficacité de certaines clauses spécifiques souvent utilisées dans ce régime, notamment la clause d’exclusion des biens professionnels et la clause de plafonnement de la créance de participation.
Avant la réforme, en cas de divorce, l’article 265 du Code civil disposait que les avantages matrimoniaux ne prenaient effet qu’à la dissolution du mariage, sauf si l’époux ayant consenti cet avantage manifestait sa volonté contraire au moment du divorce. En pratique, cette volonté contraire était rarement exprimée, ce qui entraînait la révocation de plein droit des clauses d’exclusion des biens professionnels dans le calcul de la créance de participation. Cela signifiait que la valeur des biens professionnels, fréquemment des outils de travail des entrepreneurs, devait être prise en compte dans le partage, ce qui pouvait pénaliser les chefs d’entreprise.
Avant 2024, le patrimoine professionnel du conjoint était partagé en valeur, ce qui nuisait au chef d’entreprise qui ne pouvait pas liquider son patrimoine professionnel tout en indemnisant son conjoint à la hauteur de la moitié de sa valeur.
La loi du 31 mai 2024 a modifié cet article 265 pour permettre aux époux de déclarer dans leur contrat de mariage que ces avantages (clause d’exclusion des biens professionnels ou clause de plafonnement de la créance) sont irrévocables, c’est-à-dire qu’ils continueront à s’appliquer pleinement en cas de divorce, sauf disposition contraire explicitement prévue.
Ainsi, la réforme redonne un véritable intérêt au régime de participation aux acquêts pour les couples, notamment pour les entrepreneurs souhaitant protéger leur outil professionnel, en assurant une plus grande sécurité juridique quant à l’application de ces clauses.
La réforme s’applique aux contrats conclus à partir du 2 juin 2024 et aux divorces pour lesquels l’assignation ou la requête est déposée après cette date. Pour les contrats antérieurs, la réforme ne semble pas rétroactive de manière automatique, ce qui conduit à recommander aux époux concernés de revoir leur contrat matrimonial pour y intégrer ces clauses irrévocables si souhaité.
En résumé, la réforme de 2024 modernise le régime de participation aux acquêts en rendant irrévocables les clauses d’exclusion ou de plafonnement liées à la créance de participation en cas de divorce, renforçant la protection des intérêts patrimoniaux des époux, notamment des chefs d’entreprise.
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