La Cour de cassation a bouleversé une jurisprudence constante depuis 1996 en consacrant, dans un arrêt du 10 septembre 2025, le droit au report des congés payés lorsqu’un salarié est placé en arrêt maladie pendant cette période. Cette décision marque une mise en conformité majeure du droit français avec le droit européen. Elle s’accompagne aussi d’une clarification sur le calcul des heures supplémentaires en lien avec les congés.
Arrêt maladie pendant les congés payés : l’ancien droit français
Avant cet arrêt, la règle en droit français était claire : la maladie survenant durant une période de congé payé ne donnait pas droit à un report ou à une prolongation des congés de la durée de l’arrêt maladie. Le Code du travail, en l’état, ne prévoyait aucune disposition explicite permettant un tel report. Cela voulait dire que, même en cas d’arrêt maladie, le salarié était considéré comme ayant consommé ses jours de congés payés. Cette position avait été consacrée par une jurisprudence constante depuis la décision de la Cour de cassation du 4 décembre 1996 (Soc. 4 déc. 1996, n°93-44.907).
En pratique, cela impliquait deux cas de figure. Soit le salarié se rétablissait avant la fin de ses congés et il reprenait son poste à la date initialement prévue, sans pouvoir faire valoir un report de congés. Soit la maladie prolongeait son absence au-delà des congés et il basculait alors en arrêt maladie « classique », mais sans que les congés puissent être reconstitués.
Cette situation créait un déséquilibre pour les salariés tombant malades pendant leurs vacances, car ils ne pouvaient pas pleinement bénéficier de la finalité des congés, c’est-à-dire le repos et la détente. L’arrêt maladie quant à lui est prévu le temps de la guérison.
L’influence du droit européen
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait depuis 2012 une position claire sur ce sujet. Elle considère que les congés payés ont pour but de garantir au salarié une période de repos réel, à distinguer de l’arrêt maladie qui quant à lui vise la guérison. Dès lors, un salarié en arrêt maladie pendant ses congés ne peut pas être considéré comme ayant pris effectivement ses congés. Cette interprétation figure notamment dans la directive 2003/88/CE relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
Face à cette divergence entre droit français et droit européen, la Commission européenne a mis en demeure la France le 18 juin 2025, l’appelant à se mettre en conformité avec la directive européenne. Cette pression a contraint la Cour de cassation à ce revirement du 10 septembre 2025.
Le contenu de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025
La Cour de cassation opère un revirement majeur en jugeant que :
« Le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie, dès lors que cet arrêt maladie est notifié à l’employeur. »
Autrement dit, le salarié qui informe son employeur de son arrêt maladie pendant ses congés payés peut obtenir le report de ces jours de congés, qui ne sont donc pas décomptés de ses droits acquis. Cette décision fait sauter une barrière juridique ancienne et aligne la jurisprudence française sur les exigences européennes.
Conséquences juridiques et pratiques de cet arrêt
Pour les salariés
Ils gagnent un véritable droit au report de leurs congés en cas de maladie, ce qui garantit une meilleure protection de leurs droits sociaux. Cette avancée est d’autant plus importante que précédemment, seuls des accords collectifs plus favorables ou certaines conventions pouvaient prévoir ce report.
Les salariés peuvent désormais exiger que les congés interrompus ou coïncidant avec une maladie soient reprogrammés ultérieurement, ce qui protège leur droit au repos effectif. Cette protection s’étend à toutes les catégories professionnelles et à tous les contrats de travail, dès lors que la notification d’arrêt maladie est faite à l’employeur.
Pour les employeurs et les services RH
Les entreprises doivent impérativement adapter leurs procédures de gestion des congés et des arrêts maladie. Il devient nécessaire de contrôler scrupuleusement la notification d’arrêt maladie pendant les congés pour déterminer le droit au report.
La gestion administrative des congés sera plus complexe, avec la nécessité de recalculer les soldes de congés lorsqu’un arrêt maladie survient en période de vacances. De plus, la vigilance devra être accrue pour éviter des contentieux juridiques et des revendications des salariés.
Les employeurs devront aussi sensibiliser les managers à ces évolutions pour assurer une application cohérente et éviter les conflits internes.
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Impact sur la législation et les conventions collectives
Cet arrêt pousse le législateur français à envisager la modification du Code du travail pour écrire clairement ce droit au report des congés. Il est également probable que les conventions collectives intègrent des clauses standardisées pour organiser cette nouvelle règle.
Tant que le législateur ne se sera pas prononcé, les employeurs pourront difficilement contrôler les arrêts maladie qui seraient abusifs ou limiter la durée du report des congés payés.
Cette évolution va coûter très cher aux entreprises et désorganiser les effectifs. Rappelons que récemment, la Cour de cassation a déjà jugé que le salarié en arrêt maladie pouvait bénéficier de congés payés (Soc., 13 sept. 2023, n°22-17.340 ; Soc., 13 sept. 2023, n°22-17.638 ; Soc., 13 sept. 2023, n°22-10.529).
Ces arrêts avaient été établis, conformément à la directive européenne 2003/88/CE et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Et c’est ainsi que le législateur est intervenu par la Loi n°2024-364 du 22 avril 2024, pour prévoir que les salariés malades acquièrent désormais 2 jours ouvrables de congés payés par mois d’absence, pour une période maximale de 4 semaines, moins favorable que le régime général de 2,5 jours par mois.
Congés payés et arrêt maladie : autres apports de l’arrêt du 10 septembre 2025
Par cet arrêt du 10 septembre 2025, la Cour de cassation a aussi rappelé que les périodes de congés payés doivent être prises en compte pour le calcul des heures supplémentaires, même dans les cas où la prise des congés conduit à ne pas atteindre les 35 heures de travail effectif hebdomadaire. Cette précision met aussi en conformité le droit français avec la directive européenne et a des implications importantes en matière de rémunération.
Limites et conditions d’application
Le droit au report est conditionné à la notification de l’arrêt maladie à l’employeur pendant la période de congés payés. Sans cette notification, le salarié pourrait avoir des difficultés à faire valoir son droit.
De plus, le report devra respecter les délais légaux usuels de prise des congés payés.
Mais le salarié pourra toujours argué d’un cas de force majeure, notamment s’il est en vacances à l’étranger, pour justifier avoir été dans l’impossibilité matérielle de notifier l’arrêt maladie à son employeur.
Conclusion : un tournant majeur pour le report des congés payés en cas d’arrêt maladie
L’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 est une étape historique dans la protection des droits des salariés en France. Désormais, la maladie survenant pendant les congés payés ne prive plus le salarié de son droit au repos, car il peut reporter ses jours de congés et ainsi profiter pleinement de son droit à la détente.
Cette évolution impose aux entreprises une révision de leur gestion des congés et appelle à une adaptation législative et conventionnelle. Les entreprises vont supporter le coût de cette évolution, sans pour autant y trouver un avantage et sans pouvoir de contrôle ni de limite pour l’instant.
Conseils pratiques pour gérer le report des congés payés en cas d’arrêt maladie
Il est juridiquement possible de contester le report des congés payés en cas de maladie répétée survenant systématiquement pendant les périodes de congé, mais ce ne sera pas simple avec cet arrêt du 10 septembre 2025.
Pour éviter les abus, l’employeur peut mettre en place des mécanismes de contrôle et de vigilance, notamment vérifier la régularité des arrêts maladie, la cohérence médicale, et procéder à des contre-visites médicales.
La difficulté sera quasiment insurmontable avec des arrêts maladie délivrés et envoyés de l’étranger.
En cas de suspicion d’abus manifeste (ex. un salarié tombant systématiquement malade en congés), l’employeur pourrait contester la validité de l’arrêt maladie devant l’Assurance maladie ou saisir la justice.
Mais le juge prud’homal pourrait lui opposer le secret médical pour protéger le salarié. Encore un conflit de principes fondamentaux à venir.
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FAQ sur le report des congés payés en cas d’arrêt maladie
Suis‑je en droit de reporter mes congés si je tombe malade pendant mes vacances ?
Oui. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025, les jours coïncidant avec l’arrêt maladie sont reportés, à condition de notifier l’employeur pendant la période de congés.
Que dois‑je fournir à l’employeur ?
Un arrêt de travail (prescription médicale) et une notification à l’employeur sans délai anormal, afin d’ouvrir le droit au report.
Jusqu’à quand puis‑je prendre les congés reportés ?
Dans le respect des délais légaux et conventionnels de prise des congés ; à défaut de précision, ils doivent être reprogrammés sur une période raisonnable.
Quel impact sur les heures supplémentaires ?
Les périodes de congés payés sont prises en compte pour le calcul des heures supplémentaires selon la précision rappelée par la Cour de cassation dans le même arrêt.
Quelles sont les nouvelles obligations pour l’employeur avec le report des congés payés en cas d’arrêt maladie ?
L’employeur doit reprogrammer les congés interrompus par un arrêt maladie et adapter ses outils RH. Le refus expose à un risque de contentieux devant le conseil de prud’hommes.
Comment éviter les abus de salariés qui tombent malades pendant leurs congés ?
L’employeur peut exiger un arrêt maladie en bonne et due forme, procéder à des contre-visites médicales ou contester la validité de l’arrêt auprès de l’Assurance maladie. La vigilance reste essentielle.
Quel est le coût pour l’entreprise ?
La reprogrammation des congés impacte la gestion des effectifs et peut générer un surcoût organisationnel et financier. Les employeurs doivent anticiper ce risque budgétaire dans leur planification RH.
Faut-il modifier les conventions collectives ou accords internes ?
Oui, il est recommandé d’intégrer cette nouvelle règle dans les accords collectifs ou dans le règlement intérieur pour sécuriser la gestion des absences et limiter les litiges.