Reprise de l’instance prud’homale après le décès du salarié

La reprise d’une instance prud’homale après le décès d’un salarié soulève des questions essentielles : dans quelles conditions peut-elle être poursuivie et quels sont les délais à respecter pour éviter la péremption ? Cet article explore les étapes à suivre pour que les héritiers puissent reprendre l’instance en cours, tout en respectant les procédures légales.

Conditions essentielles pour la reprise d’une instance prud’homale après le décès du salarié

Pour prétendre poursuivre une action née dans le patrimoine du défunt, avant son décès, encore faut-il que le défunt lui-même ait entendu réclamer le bénéfice de cette action à son profit.

Reprise d’une instance prud’homale en cours : la première condition à respecter

Pour pouvoir être reprise, l’instance doit également être déjà en cours et non terminée au jour de son décès. Si elle s’est terminée par un jugement décevant, les héritiers peuvent exercer les voies de recours, mais ce ne sera pas, à proprement parler, une reprise d’instance.

Une reprise d’instance fait suite à une interruption d’instance, en vertu des dispositions de l’article 370 du Code de procédure civile.

En effet, dès la notification qui en est faite à l’autre partie, l’instance est interrompue par le décès d’une partie.

Comment la notification du décès entraîne l’interruption de l’instance prud’homale

Par définition, la partie décédée ne pourra pas notifier son décès à l’autre partie.

En pratique, c’est le défenseur syndical ou l’avocat qui assiste le salarié ou l’employeur personne physique, qui va notifier le décès de son client à l’autre partie.

Le mandat du défenseur syndical ou de l’avocat prend normalement fin par le décès du mandant qu’est son client, mais il relève du mandat d’en informer l’autre partie.

Les avocats qui défendent un employeur, personne morale, ont même l’obligation déontologique d’alerter les parties au procès si leur client est soumis à une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) précisément pour qu’elles préservent leurs droits et mettent en cause les organes de la procédure.

Les héritiers, informés de la procédure, pourront procéder à la notification du décès.

Il se peut qu’aucune personne ne soit informée du décès ; dans ce cas, l’instance pourra être radiée. La reprise d’instance se fait comme pour l’interruption.

Dans un procès prud’homal, la partie, personne physique, qui décède, ne peut donc plus assurer la défense de ses intérêts et il y a lieu dès lors de mettre en cause les héritiers.

La notification du décès suffit à interrompre l’instance jusqu’à sa reprise par les héritiers du défunt.

Le simple fait d’écrire à la partie adverse, avec copie à la juridiction, que la partie à l’instance est décédée, suffit à interrompre l’instance.

En effet, il est rare que celui qui informe du décès détienne un acte de décès.

Durée maximale de l’interruption d’instance après le décès du salarié et risques de péremption

L’interruption dure jusqu’à la reprise d’instance par les héritiers. Mais attention, après deux ans d’interruption, les héritiers encourent la péremption de l’instance : c’est une sanction de l’inaction des parties pendant deux ans. La péremption d’instance éteint rétroactivement l’instance, comme si elle n’avait jamais existé. Elle n’a donc pas interrompu les délais pour agir et fait courir contre la partie demanderesse, le délai de prescription de son action en justice.

En conclusion, il faut reprendre l’instance au plus tôt et dans le délai impératif de deux ans à compter de la radiation de l’affaire ou de la notification du décès.

Conditions de transmissibilité des actions pour la reprise de l’instance prud’homale par les héritiers

Pour pouvoir être reprise par les héritiers, l’action, objet de l’instance, doit être transmissible.

On appelle « action transmissible » les actions que les héritiers peuvent poursuivre et qui ne sont pas personnelles au seul défunt. Ainsi, les héritiers ne peuvent pas poursuivre une action en contestation du placement sous tutelle, en divorce ou en surendettement du défunt. Les héritiers ne peuvent pas divorcer un mort, ni contester la décision de surendettement qui sont des actions propres au défunt, qui ne se retrouvent pas dévolues dans la succession.

Une action en paiement de salaires ou en dommages et intérêts formée contre l’employeur est transmissible aux héritiers, car le droit est entré dans la succession.

En revanche, l’héritier n’est pas recevable à agir en indemnisation du préjudice de souffrance que le licenciement aurait causé au salarié dont la mort s’en serait suivie, car le préjudice résultant de la mort n’est pas entré dans le patrimoine du vivant du défunt.

L’héritier peut poursuivre l’action transmissible alors même que le partage successoral n’a pas encore été réalisé.

Une demande en indemnisation des préjudices professionnels est donc transmissible.

En revanche, la demande de réintégration n’est pas transmissible, car attachée à la personne même du salarié qui peut l’exercer. Les héritiers ne peuvent l’exercer car s’ils obtenaient satisfaction, le mort ne pourrait pas être réintégré, ni les héritiers qui n’ont jamais reçu dans la succession la qualité de salarié. Rappelons que le décès rompt le contrat de travail.

Les étapes légales pour la reprise d’une instance prud’homale après décès

Héritiers : qui peut reprendre une instance prud’homale après le décès du salarié ?

Reprise spontanée d’une instance prud’homale : quelles démarches pour les héritiers ?

Celui qui y a intérêt qui reprend l’instance : ainsi l’héritier du demandeur se dépêchera de reprendre l’instance avant sa péremption. L’héritier du défendeur aura tout intérêt à ne rien faire pour reprendre l’instance et attendre que le demandeur le mette en cause.

Peuvent reprendre l’action les seuls les héritiers ayant accepté la succession et le légataire universel ayant accepté son legs par testament.

Pour prouver que vous avez une de ces qualités, vous devrez produire dans l’instance, un acte de notoriété après décès, justifiant de cette qualité et une attestation du notaire faisant état de votre option successorale (acceptation pure et simple de la succession ou acceptation à concurrence de l’actif net).

Reprise forcée d’une instance prud’homale après le décès : cas et procédures

Si le défendeur vient à mourir en cours d’instance, ses héritiers n’auront bien souvent aucune raison de reprendre spontanément l’instance, sauf s’ils ont de bonnes raisons d’espérer le succès de leurs demandes reconventionnelles.

Si les héritiers du défendeur ne se manifestent pas, il faut les identifier et les mettre en cause.

Si leur identification est impossible, vous pouvez faire désigner un administrateur provisoire de la succession non réclamée ou un curateur à succession vacante.

Guide pratique : comment reprendre une instance prud’homale après le décès d’une des parties ?

Il vous suffit de notifier des conclusions afin de reprise d’instance, en mentionnant l’identité complète de la personne qui reprend l’instance, et en produisant l’acte de notoriété après décès et l’attestation notariée de l’option successorale.

En haut à droite de vos conclusions dans le but de reprise d’instance, mentionnez le Conseil de prud’hommes, la ville dont il dépend et le numéro de registre de l’affaire que vous communiquera le greffe du Conseil de prud’hommes, éventuellement la date de l’audience.

Mentionnez ensuite le nom des parties, sans oublier votre adresse et votre qualité, puis exposez que votre parent a engagé la présente instance, que l’instance s’est interrompue par son décès et que vous entendez la reprendre. Motiver votre argumentation en fait et en droit, en reprenant éventuellement celle du défunt et ses demandes. Listez à la fin vos pièces et notamment l’acte de notoriété après décès et l’attestation notariée de votre option successorale.

Il n’y a pas beaucoup de formalisme, si ce n’est que vos conclusions, signées, doivent manifester votre intention de reprendre l’instance.

Conseils pratiques pour réussir la reprise d’une instance prud’homale après le décès d’un salarié

Celui qui reprend l’instance aura intérêt à conserver le même défenseur syndical ou avocat qui connaît le dossier.

Si nécessaire, vous pouvez produire une attestation d’un témoin qui certifiera le décès ou le faire-part de décès.

Un seul héritier peut reprendre l’instance, sans que les autres aient à s’y joindre.

N’oubliez pas de comparaitre à l’audience ou de vous y faire représenter, après avoir communiqué vos pièces et conclusions à la partie adverse et au greffe du Conseil de prud’hommes saisi.

Vous pouvez signifier des conclusions de notification de décès valant interruption et reprise d’instance dans le même jeu de conclusions. Il n’est pas utile de communiquer une nouvelle fois les pièces que le défunt a déjà communiquées, qu’on considère comme acquises aux débats.

Si vous n’avez pas de défenseur syndical ou d’avocat, vous devez adresser vos pièces et conclusions à la partie adverse par lettre recommandée avec accusé de réception, suffisamment avant l’audience pour qu’elle puisse en prendre connaissance et préparer sa défense. À défaut, vos pièces qui fondent votre argumentation pourraient être rejetées des débats et vous n’auriez plus aucun moyen de preuve de vos demandes. Nous vous renvoyons à notre article paru pour bien préparer l’audience devant le Conseil de prudhommes.

Par Laurent Meillet
Le 4 novembre 2024

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