La donation-partage est un mécanisme juridique central du droit des successions en France, permettant d’organiser de votre vivant la transmission de votre patrimoine à vos héritiers. La donation-partage vous permet d’aider financièrement de votre vivant vos héritiers en leur faisant profiter d’une partie de votre patrimoine, sans attendre votre décès.
Un outil clé de la transmission patrimoniale et successorale
Anticiper la répartition de vos biens permet non seulement de préserver l’harmonie familiale, mais également d’optimiser la fiscalité et de protéger vos héritiers.
Définition et règles juridiques (Code civil)
La donation-partage est un acte juridique par lequel une personne (le donateur) transmet, de son vivant, tout ou partie de ses biens à ses héritiers présomptifs (les donataires) en répartissant elle-même ces biens. Elle est régie par les articles 1075 et suivants du Code civil.
La donation-partage se compose d’une donation, qui correspond au fait de donner irrévocablement un bien ou un droit de son patrimoine et d’un partage, qui consiste en la répartition équitable et anticipée entre les héritiers.
L’originalité de la donation-partage est donc de combiner ces deux mécanismes afin de sécuriser à la fois la transmission et la répartition.
Conditions de validité d’une donation-partage
Pour qu’une donation-partage soit juridiquement valable, elle doit être établie par acte notarié. Le donateur doit être sain d’esprit et capable.
Les bénéficiaires doivent être identifiables et appelés à hériter selon la loi, ce qu’on appelle héritiers présomptifs. Enfin, le bien donné doit appartenir en pleine propriété au donateur.
La donation-partage est en principe irrévocable. Mais comme en droit, il existe toujours des exceptions, la donation-partage peut être révoquée en cas d’ingratitude grave du bénéficiaire ou de non-exécution des charges attachées à la donation.
Qui peut bénéficier d’une donation-partage ?
La donation-partage est en priorité destinée aux enfants du donateur qui peut inclure aussi son conjoint. Mais elle peut également concerner les petits-enfants. On parle alors de donation-partage transgénérationnelle. Les collatéraux comme les neveux et nièces peuvent aussi être bénéficiaires d’une donation-partage, si le donateur n’a pas de descendant direct.
Modalités pratiques et déroulement
Pour établir votre donation-partage, vous devez évaluer les biens que vous entendez donner. Ces biens (immobiliers, financiers, mobiliers, etc.) sont évalués au jour de la donation. Cette évaluation est déterminante, car elle évite les contestations futures.
C’est vous, en tant que donateur, qui déterminez la répartition de vos biens, soit en veillant à l’égalité, soit en tenant compte de la situation de chaque héritier.
Enfin, le notaire rédige l’acte et l’enregistre en s’assurant du respect des règles légales.
Après signature, les biens donnés sortent du patrimoine du donateur et entrent juridiquement dans celui des bénéficiaires. Les biens meubles sont donnés physiquement et les biens immeubles ou financiers sont transmis par la publicité que réalisera le notaire.
Quels biens peuvent être transmis par donation-partage ?
Une donation-partage peut porter sur des biens immobiliers (maison, appartement, terrain), des biens mobiliers (meubles de valeur, œuvres d’art, véhicules, bijoux), des sommes d’argent, des valeurs mobilières (actions, obligations, parts sociales), une entreprise ou un fonds de commerce.
Il est donc possible de transmettre un patrimoine très diversifié par le biais de cet outil, ce qui en fait un instrument particulièrement souple.
Avantages pour le donateur et les héritiers
La donation-partage présente de multiples avantages, tant pour le donateur que pour les héritiers. Il permet d’anticipation les conflits : en partageant vous-même votre patrimoine, vous éviterez les contestations ultérieures entre vos héritiers.
Les biens sont évalués au jour de la donation (Civ. 1ère, 4 juil. 2018, n°17-16.482), ce qui permet d’éviter des rééquilibrages en fonction de leur évolution future (par exemple, un bien immobilier qui prend de la valeur).
Vous pouvez avantager un de vos enfants en tenant compte de ses besoins, tout en respectant la réserve héréditaire prévue par la loi.
Vos héritiers bénéficient des biens de votre vivant, mais aussi de leur vivant, ce qui leur permet d’en profiter ou de les valoriser.
La donation-partage permet d’utiliser les abattements fiscaux liés aux donations, renouvelables tous quinze ans, en l’état actuel du droit.
Fiscalité de la donation-partage : abattements et optimisation
Sur le plan fiscal, chacun de vos enfants bénéficie d’un abattement de 100.000 € sur la part que vous leur donnez (montant en vigueur en 2025). Cet abattement est renouvelable tous 15 ans.
Exemple : un couple peut donner à chacun de ses enfants jusqu’à 200 000 € (100 000 € par parent) en franchise de droits tous les quinze ans.
De plus, certaines réductions de droits sont applicables si les biens transmis concernent une entreprise, dans le cadre du pacte Dutreil notamment, favorisant ainsi la transmission d’unités de production économique.
Introduite par la Loi du 23 juin 2006, la donation-partage transgénérationnelle permet d’associer non seulement les enfants, mais aussi les petits-enfants dans le partage. Concrètement, un grand-parent peut, avec l’accord de ses enfants, transmettre directement à ses petits-enfants une partie de son patrimoine, sans avoir à attendre la succession.
Ce mécanisme permet de « sauter une génération » pour éviter la dilution excessive du patrimoine. C’est intéressant pour limiter l’impact fiscal si vos enfant ont déjà un certain âge et n’ont pas besoin de votre patrimoine. En donnant directement à vos petit-enfants, vous évitez un palier de fiscalité. Vous pouvez ainsi aider un petit-enfant à financer ses études, son logement ou son activité professionnelle.
Les petits-enfants bénéficient d’un abattement de 31.865 euros par grand-parent, renouvelable tous les 15 ans.
Pour les collatéraux (frères, sœurs, neveux, etc.), les abattements sont généralement beaucoup plus faibles, souvent autour de 7.967 euros, et ces règles peuvent varier selon le degré de parenté.
Limites et inconvénients de la donation-partage
Même si la donation-partage est un outil efficace, elle présente certaines limites. En effet, elle est par définition irrévocable. Les frais d’acte peuvent être importants, surtout si le patrimoine transmis a beaucoup de valeur.
Attention, c’est aux donataires, c’est-à-dire vos enfants ou petits-enfants, voire vos collatéraux, de payer les droits de mutation à titre gratuit, qui peuvent se révéler très onéreux. Pour cela, habituellement le donateur les règle, mais alors, l’État les réintègre dans la donation-partage, puisque vous les payez à la place des bénéficiaires, ce qui augmentent encore les droits à payer.
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Donation-partage : enseignements de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 juillet 2025 (n°23-16.329)
Dans l’affaire jugée le 2 juillet 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a été confrontée à la question de la valorisation différée d’un bien attribué lors d’une donation-partage.
Nous vous rappelons les faits. Un père avait attribué en 2010 à l’un de ses enfants des parts sociales d’une société familiale, évaluées alors à un certain montant. Au décès du donateur en 2021, ces parts avaient pris une valeur considérable. L’un des cohéritiers contestait la stabilité implicite de cette valorisation et demandait une réévaluation afin de corriger ce qui lui semblait constituer une atteinte à l’égalité successorale.
La Cour de cassation profite de cet arrêt pour rappeler que la donation-partage, conformément à l’article 1078-1 du Code civil, fige les valeurs au jour de l’acte.
La Cour de cassation rappelle que l’égalité successorale contestée ne peut être remise en cause par une variation ultérieure de valeur, sauf cas de fraude manifeste ou d’atteinte à la réserve héréditaire.
En revanche, lorsque la donation-partage porte sur des biens dont l’évaluation repose sur des méthodes contestables ou notoirement sous-évaluées, les cohéritiers peuvent soulever l’action en réduction.
Nous avons vu le cas où le père donnait une exploitation commerciale manifestement sous-évaluée à l’un de ses enfants, puis une somme identique aux autres, alors qu’il a continué à investir dans l’exploitation après la donation-partage. Les héritiers lésés ont une action en réduction contre le bénéficiaire de cet avantage.
L’arrêt introduit une distinction importante :
- Si la valeur initiale des biens a été correctement déterminée par référence objective (expertise, comparables de marché, etc.), la variation future est indifférente.
- Mais en cas de sous-évaluation caractérisée, l’héritier évincé peut agir même après la donation, en invoquant une atteinte à sa réserve.
Cette précision renforce l’exigence de rigueur lors de l’évaluation des biens dans une donation-partage et accroît le rôle de l’expertise notariale.
Mais surtout, l’arrêt précise qu’une donation-partage d’un bien en indivision doit être requalifiée en donation simple, avec toutes les conséquences qu’on vient de voir.
Ainsi, si vous donnez à un enfant un appartement de deux pièces et à deux autres enfants, en indivision, un appartement de quatre pièces, toute la donation-partage sera requalifiée en donation simple.
Conséquences pratiques de la décision de 2025
Cette jurisprudence a trois implications majeures :
- Responsabilité accrue du notaire : Le notaire devra être particulièrement vigilant sur l’évaluation des biens transmis (immobilier, titres de société, objets d’art).
- Clarté des actes notariés : Les donations-partages comporteront plus systématiquement des clauses détaillant les méthodes d’évaluation adoptées, afin de prévenir toute contestation.
- Sécurité pour l’héritier gratifié : Celui qui a reçu un bien qui s’est valorisé de manière exponentielle (ex. start-up devenue licorne) est protégé contre toute remise en cause ultérieure, dès lors que l’évaluation initiale était correcte.
- Fin des donations-partages de biens indivis : Celui qui reçoit, doit être seul propriétaire ; l’indivision ne constitue pas un partage par définition.
L’arrêt du 2 juillet 2025 s’inscrit donc dans une logique de cohérence avec le principe fondamental de la donation-partage : figer la valeur et pacifier les successions, tout en laissant une voie de recours en cas de fraude ou d’abus manifeste et transmettre dans le cadre d’un partage.
Conseils pratiques pour réussir votre donation-partage
Si vous avez donné un bien ou une somme d’argent à l’un de vos héritiers, avant d’envisager une donation-partage, pensez à réintégrer ce bien ou cette somme d’argent dans la donation-partage, avec sa valeur au jour de l’acte notarié. Ainsi, vous régulariserez la situation et l’égalité entre héritiers, et éviterez qu’il soit tenu de rapporter à votre succession, ce bien ou cette somme d’argent, selon la valeur au jour du partage, valeur qui peut-être infiniment supérieure. A la différence d’une donation-partage, la simple donation est réévaluée au jour de votre décès.
Nous avons eu le cas au Cabinet d’un enfant qui avait reçu une somme de 31.000 francs en 1973 et qui l’avait investi dans un bien immobilier. Selon le principe du « profit subsistant », il devait rapporter à la succession de son père, en 2015, près d’un million d’euros.
Le « profit subsistant » représente l’enrichissement réel ou la plus-value dont a bénéficié le donataire. Il permet une revalorisation qui se révèle en général, avec le temps, défavorable pour le donataire. La réintégration dans la donation-partage d’un avantage financier que vous auriez accordé préalablement à l’un de vos héritiers, est donc un service que vous lui rendez.
L’arrêt de la Cour de cassation du 2 juillet 2025, n°23-16.329, ne remet pas en cause la faculté de recourir à une donation-partage de la seule nue-propriété d’un bien tout en conservant l’usufruit.
Donation-partage : les 10 erreurs à éviter absolument
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Négliger l’évaluation des biens
Évitez de vous limiter à une estimation approximative ou à une simple déclaration unilatérale : une sous-évaluation manifeste peut désormais ouvrir la porte à une contestation.
→ Solution : recourir à des experts agréés et conserver les rapports.
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Croire qu’on peut revenir sur l’acte
La donation-partage est irrévocable (article 1078 du Code civil), sauf cas exceptionnels (ingratitude ou inexécution des charges).
→ Solution : réfléchir en amont, en gardant une partie du patrimoine non partagé pour conserver une marge de manœuvre.
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Oublier la réserve héréditaire
Chaque enfant a droit à une part minimale (réserve). Négliger ce principe peut conduire à une action en réduction après le décès.
→ Solution : calculer précisément la réserve et la quotité disponible avant l’acte.
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Exclure un héritier réservataire
Un enfant ne peut être privé de sa réserve. L’omettre ou le désavantager de façon flagrante fragilise l’acte.
→ Solution : inclure tous les héritiers réservataires et ajuster par soultes si nécessaire.
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Ne pas documenter la méthode d’évaluation
Après 2025, la Cour de cassation contrôle la sincérité de l’évaluation initiale.
→ Solution : insérer une clause notariale précisant la méthode retenue et annexer les documents.
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Ignorer la fiscalité
Nombreux sont ceux qui signent sans optimiser les abattements – 100.000 € par enfant et par parent (article 779 du Code général des impôts).
→ Solution : planifier la transmission en tenant compte du renouvellement tous les 15 ans.
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Négliger les familles recomposées
Attribuer directement à des beaux-enfants ou ignorer la situation d’enfants issus de plusieurs unions peut générer des litiges explosifs.
→ Solution : consultez votre notaire pour employer des outils adaptés (assurance-vie, adoption simple, testament, testament-partage). Consultez notre rubrique sur le Droit des successions.
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Donner trop tôt ou trop tard
Donner trop tôt peut fragiliser votre situation financière future ; donner trop tard peut réduire l’intérêt fiscal et patrimonial.
→ Solution : équilibrez, en veillant à préserver vos ressources tout en anticipant la succession.
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Oublier la donation-partage transgénérationnelle
Beaucoup ignorent qu’il est possible d’intégrer ses petits-enfants avec l’accord de ses enfants (article 1078-4 du Code civil).
→ Solution : envisagez ce mécanisme pour aider directement la génération suivante et optimiser la fiscalité.
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Ne pas donner un même bien à deux héritiers, ce qui créerait une indivision et permettrait de requalifier la donation-partage en donation simple après votre décès, en lui faisant perdre tous les avantages escomptés.
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