Comment l’employeur doit-il préparer un entretien préalable à un licenciement

L’entretien préalable constitue un moment clé de la procédure disciplinaire, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’envisager un licenciement. Mal préparé, il peut fragiliser toute la procédure et conduire à une décision jugée abusive ou nulle par le juge prud’homal. Bien mené, il permet à l’employeur de garantir les droits de la défense du salarié tout en sécurisant juridiquement sa décision.

Nous allons vous présenter les règles légales encadrant cet entretien, les écueils à éviter, et des recommandations pratiques pour les employeurs.

Le cadre juridique applicable pour l’employeur à l’entretien préalable au licenciement

L’entretien préalable s’impose dans deux hypothèses principales : avant toute sanction disciplinaire lourde (mutation disciplinaire, rétrogradation, mise à pied disciplinaire, licenciement)  et avant un licenciement pour motif personnel (qu’il soit disciplinaire ou non).

Les textes de référence sont principalement les articles L.332-2 et suivants, ainsi que L1232-2 du Code du travail. La jurisprudence complète et précise régulièrement les règles à respecter.

Le respect de la procédure est une condition de validité. Un licenciement prononcé sans entretien préalable est automatiquement irrégulier, même si le motif est justifié.

Comment rédiger et envoyer la convocation au salarié

Avant l’entretien, l’employeur doit convoquer le salarié par une lettre remise en main propre contre-décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette convocation doit contenir :

  • L’objet : « entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement ».
  • La date, l’heure et le lieu de l’entretien. Il faut également qu’elle précise qui recevra le salarié.
  • La possibilité pour le salarié de se faire assister soit par un membre du personnel de l’entreprise s’il y a un comité social et économique (CSE), soit par un défenseur syndical inscrit sur la liste préfectorale si l’entreprise ne dispose pas d’instances représentatives. Cette liste est consultable à la Mairie dont dépend la société ou à l’inspection du travail.

Un délai de 5 jours ouvrables minimum doit être respecté entre la présentation de la convocation et la tenue de l’entretien. Ce temps permet au salarié de préparer sa défense.

Qui participe à l’entretien préalable côté employeur et salarié ?

Lors de l’entretien, sont présents d’une part, l’employeur ou son représentant habilité à prononcer des sanctions. Aucune délégation de pouvoir n’a besoin d’être démontrée explicitement sauf contestation en justice. L’employeur peut être assisté lors de l’entretien préalable, mais uniquement par une personne appartenant au personnel de l’entreprise.

Et d’autre part, le salarié concerné qui peut être assisté par une personne habilitée, sous réserve qu’elle justifie de sa qualité à cet effet. Le rôle de l’assistant est limité : il peut conseiller le salarié, poser quelques questions, et s’assurer du respect de ses droits, mais il ne se substitue pas à lui. L’employeur peut exiger qu’il reste dans ce cadre.

L’employeur comme le salarié ne peuvent pas être assistés par un avocat.

Déroulement pratique de l’entretien préalable au licenciement : rôle de l’employeur

L’entretien est un espace de dialogue contradictoire. L’employeur expose les faits reprochés et la sanction envisagée, tandis que le salarié a la possibilité de donner ses explications. La durée n’est pas légalement fixée, mais un entretien trop expéditif peut être contesté. Il est recommandé de laisser au moins 20 minutes minimum pour permettre un échange réel.

Vous devez accueillir le salarié dans un lieu adapté (pièce fermée, cadre respectueux).

Vous devez lui exposer clairement l’objet de l’entretien et rappeler qu’aucune décision n’est encore prise.

Vous présenterez les faits reprochés, en restant factuel, précis, et en évitant tout jugement de valeur.

Laissez la parole au salarié, en l’écoutant réellement.

Notez ses réponses ou établir un compte rendu écrit.

 

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Les erreurs fréquentes des employeurs à éviter

Un certain nombre d’écueils peuvent vicier la procédure ou fragiliser le dossier de l’employeur.

Par exemple, mentionner des griefs prescrits : un fait fautif ancien (plus de deux mois) ne peut plus justifier une sanction disciplinaire.

Surtout, ne réutilisez pas une sanction passée : un avertissement, une mise à pied déjà prononcée pour des faits passés ne peut pas servir de nouveau fondement disciplinaire.

Ne sanctionnez un droit du salarié : il est interdit de sanctionner le fait d’avoir alerté sur un harcèlement, exercé son droit de grève, sa liberté d’expression, ou encore déposé une plainte pénale.

N’interrompez pas ou ne minimiser les explications fournies par le salarié : l’entretien doit garantir qu’il ait pu s’expliquer réellement.

Et surtout, ne donnez pas l’impression d’avoir pris votre décision avant l’entretien : si la sanction est manifestement arrêtée d’avance, la procédure peut être considérée comme biaisée.

Adopter une posture d’écoute et de neutralité

Même si l’employeur estime avoir des éléments solides, il doit garder une posture d’écoute impartiale. L’entretien a pour finalité de permettre au salarié de présenter sa version des faits et éventuellement d’apporter des justifications ou témoins qui pourraient éclairer la situation.

Adopter un ton respectueux, professionnel et neutre est essentiel. Tout propos humiliant, accusatoire, ou menaçant pourrait être retenu par le juge comme caractérisant une atteinte à la dignité du salarié.

Que faire après l’entretien : délais et notification de la décision

L’employeur doit respecter un délai de réflexion avant de notifier la sanction. La décision ne peut être envoyée que deux jours ouvrables minimum après l’entretien, et au plus tard dans le mois qui suit.

La notification doit se faire par écrit, via lettre recommandée avec accusé de réception, indiquant clairement les motifs précis de la sanction (faits reprochés, contexte, date, etc.).

En matière de licenciement, la précision des motifs est déterminante. Une lettre trop vague ou incomplète rend le licenciement non motivé, et donc abusif.

Conseils pratiques pour les employeurs

  • Préparer l’entretien : rassembler toutes les pièces utiles (rapports, témoignages, documents), organiser un ordre d’exposé clair.
  • Soigner la formulation : rester factuel, éviter les accusations générales, se concentrer sur des faits datés, vérifiables et pertinents.
  • Séparer les griefs : ne pas mélanger les faits passés déjà sanctionnés avec de nouveaux faits.
  • Éviter les pièges juridiques : ne jamais reprocher un signalement de harcèlement (même faux), ni un exercice légal des droits syndicaux ou collectifs.
  • Assurer un rapport écrit : garder une trace de l’entretien (notes personnelles, compte rendu signé si possible). Cela permettra de prouver le respect de la procédure en cas de litige.
  • Rester ouvert à la discussion : l’entretien est aussi une chance d’éviter le licenciement et de trouver une autre solution si le salarié apporte des explications convaincantes.

Nous rappelons que l’entretien préalable doit se tenir dans un délai raisonnable. La Cour de cassation a sanctionné un employeur pour avoir fixé l’entretien préalable trop longtemps après la mise à pied, notamment dans un arrêt du 14 avril 2021 (Soc., 14 avril 2021, n°20-12.920). Dans cette affaire, la mise à pied avait été notifiée le 8 septembre, mais la convocation à l’entretien préalable n’a eu lieu que 7 jours plus tard, le 15 septembre, sans qu’un motif justifiant ce délai ait été apporté par l’employeur.

Les bénéfices d’un entretien préalable bien conduit

Un entretien préalable correctement conduit présente un double avantage. D’une part, sur le plan juridique, il sécurise la procédure disciplinaire et limite les risques de contentieux coûteux devant le conseil de prud’hommes. D’autre part, sur le plan humain, il véhicule l’image d’un employeur respectueux, garant des droits de ses salariés, et donne une certaine crédibilité même dans les situations conflictuelles.

Exemple de formulation adaptée pour l’employeur

Lors de l’entretien, plutôt que d’écrire : « Nous avons décidé de vous licencier suite à vos comportements fautifs », préférez la formulation suivante : « Des faits concernant votre comportement nous ont été rapportés. Nous souhaitons entendre vos explications avant de prendre une décision sur une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. ».

Cette nuance montre que l’entretien n’est pas une formalité, mais un véritable espace de défense pour le salarié.

Conclusion : sécuriser la procédure de licenciement en entreprise

L’entretien préalable est une étape incontournable dans la procédure disciplinaire. Son importance ne se limite pas au respect légal : il incarne la garantie des droits du salarié et conditionne la validité de la sanction envisagée. En respectant scrupuleusement les règles légales (convocation, assistance, délais), en préparant soigneusement son exposé, en gardant une posture d’écoute et de neutralité, l’employeur sécurise son action et limite considérablement le risque que sa décision soit annulée ou jugée abusive par les juridictions.

Un licenciement, surtout pour cause disciplinaire, est toujours un acte grave. Il appartient donc à l’employeur de transformer l’entretien préalable en un moment de dialogue équitable, à la fois conforme au droit et respectueux de la dignité de chacun.

Après l’entretien, faites-vous conseiller pour rédiger la lettre de licenciement. Elle fixe les débats devant le juge saisi d’une éventuelle contestation. Et vous auriez tort de ne pas contrer les arguments que le salarié a développés lors de l’entretien préalable pour se dédouaner de toute responsabilité dans les faits que vous lui reprochez.

Par Laurent Meillet
Le 29 septembre 2026

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FAQ – Entretien préalable au licenciement

Qu’est-ce qu’un entretien préalable au licenciement ?

L’entretien préalable est une étape obligatoire avant toute décision de licenciement pour motif personnel ou disciplinaire. Il permet au salarié de présenter ses explications et à l’employeur de vérifier la proportionnalité de la sanction.

L’employeur peut-il se faire assister lors de l’entretien préalable au licenciement ?

Oui, mais uniquement par une personne appartenant au personnel de l’entreprise. L’assistance par un avocat n’est pas autorisée.

Le salarié peut-il être assisté pendant l’entretien ?

Oui. Le salarié peut se faire assister par un membre du personnel de l’entreprise (s’il existe un CSE) ou par un défenseur syndical inscrit sur une liste préfectorale.

Quels sont les délais à respecter pour la convocation ?

L’employeur doit respecter un délai minimum de 5 jours ouvrables entre la réception de la convocation et la tenue de l’entretien.

Que risque un employeur en cas d’irrégularité dans la procédure d’entretien préalable à un licenciement  ?

Un licenciement sans entretien préalable est automatiquement irrégulier et peut être jugé abusif, exposant l’employeur à des sanctions prud’homales et à une indemnisation du salarié.

L’entretien préalable peut-il éviter un licenciement ?

Oui. Cet échange contradictoire peut permettre de trouver des alternatives (avertissement, médiation, aménagement) et d’éviter la rupture du contrat.