Le pacte de préférence à durée indéterminée est un mécanisme juridique essentiel du droit des contrats. Il accorde à son bénéficiaire un droit de priorité pour acquérir un bien si le promettant décide de le vendre. Ce dispositif, souvent utilisé en droit immobilier et commercial, soulève des questions importantes lorsque aucune durée n’est prévue. La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 septembre 2024, est venue clarifier ce régime particulier.
Définition et principes du pacte de préférence à durée indéterminée
Le pacte de préférence est un engagement par lequel le promettant s’oblige, s’il décide de vendre ou de céder un bien, à en proposer prioritairement la vente ou la cession à un bénéficiaire désigné. Selon l’article 1123 du Code civil, ce pacte crée au bénéfice de ce dernier un droit préférentiel d’achat avant toute vente à un tiers.
Contrairement à une promesse unilatérale de vente, qui engage fermement le vendeur à vendre selon des conditions définies, le pacte de préférence n’oblige pas le promettant à vendre. Il lui conserve la liberté de se rétracter, sous réserve toutefois du respect du droit de priorité s’il décide finalement de vendre. Ce caractère plus souple explique son large usage en droit immobilier, transmissions patrimoniales, cessions d’actions, ou relations bailleurs-locataires.
Paradoxalement, cette souplesse soulève aussi des questions pratiques et juridiques importantes, notamment quant à la durée d’engagement attachée au pacte, la forme de la notification de la décision du promettant de vendre, ou encore la nature des conséquences en cas de non-respect.
Le pacte de préférence à durée indéterminée : un engagement sans limite ?
Il est fréquent dans la pratique que le pacte de préférence ne stipule pas de durée précise, ce qui conduit à une situation appelée « pacte à durée indéterminée ». Juridiquement, l’absence de terme peut soulever la question d’un engagement perpétuel, une notion prohibée aujourd’hui par l’article 1210 du Code civil introduit par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui interdit les engagements sans limite dans le temps.
Avant cette réforme, la jurisprudence considérait que le pacte de préférence, parce qu’il conférait un droit imprescriptible, échappait à cette prohibition et pouvait être conclu sans limite de durée, sans encourir la nullité. Ce vide pouvait conduire à des situations dans lesquelles un promettant était lié de façon indéfinie, ce qui générait des tensions.
La Cour de cassation a récemment tranché une affaire emblématique illustrant ces tensions et clarifiant la situation juridique.
L’arrêt du 25 septembre 2024 : la résiliation du pacte de préférence à durée indéterminée
Dans un arrêt majeur du 25 septembre 2024 (Civ. 1ʳᵉ, 25 sept. 2024, n°23-14.777), la Cour de cassation a admis que le pacte de préférence conclu pour une durée indéterminée peut être résilié unilatéralement par chaque contractant à tout moment, à condition de respecter un délai de préavis contractuellement prévu ou, naissant à défaut, un délai raisonnable.
Les faits étaient les suivants : un pacte de préférence conclu en 1990 entre Monsieur D et Monsieur et Madame U sans limitation temporelle portait sur la vente d’un bien immobilier. En 2011, Monsieur D informe les bénéficiaires de son intention de vendre le bien. Ces derniers manifestent leur volonté d’exercer leur droit. Or, Monsieur D refuse plus tard de conclure la vente et décède. Le légataire refuse de donner suite, arguant que le pacte est un engagement perpétuel devant être annulé. L’argument n’est pas dénué de malice.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait d’abord rejeté la demande de résiliation, estimant que ce pacte, conclu avant la réforme de 2016, relevait de l’ancienne loi qui permettait une telle durée imprescriptible.
Cependant, la Cour de cassation a cassé cet arrêt et a substitué sa propre motivation : l’engagement perpétuel, interdit par l’article 1210, n’entraîne pas la nullité du pacte, mais sa résiliation possible à tout moment, sous réserve du respect d’un préavis. Ainsi, le pacte de préférence est traité comme un contrat à durée indéterminée résiliable par chacune des parties.
C’est bien logique et conforme à ce que voulaient les parties : un engagement long, mais ne conduisant pas à sa nullité pour excès de longueur. La Cour de cassation rappelle simplement le principe selon lequel tout contrat qui ne prévoit pas un terme déterminé, peut être dénoncé par lui ou l’autre des parties, moyennant un préavis suffisant, même en l’absence de clause de résiliation, ce qui peut le rendre perpétuel.
La Cour a ainsi confirmé que, faute de résiliation, le pacte demeurait valable et que Monsieur et Madame U pouvaient valablement exercer leur droit de préférence. C’est assez logique : faute de clause de résiliation, un contrat n’est pas perpétuel, mais à durée indéterminée. Faute de résiliation, le contrat n’est pas nul ; au contraire, il se poursuit jusqu’à sa résiliation.
L’arrêt du 9 juillet 2025 impose une exigence accrue : maîtrisez ses implications pratiques.
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Les implications de cette décision
Cette décision a plusieurs conséquences juridiques et pratiques majeures.
Elle établit une règle claire pour les pactes à durée indéterminée : ils ne sont pas nuls, ce qui évite l’insécurité juridique et le risque de voir un droit prioritaire s’éteindre du fait d’une invalidité, mais peuvent être résiliés à tout moment avec préavis. Les contractants retrouvent ainsi une certaine liberté pour mettre fin à l’engagement perpétuel.
Cette solution s’inscrit en droite ligne avec la logique générale du droit des contrats qui permet la résiliation des contrats à durée indéterminée sous conditions, tout en protégeant le bénéficiaire du pacte par un délai de préavis raisonnable.
Cependant, cette résiliation unilatérale expose le bénéficiaire à une incertitude temporelle, ce qui peut réduire l’attractivité de ce type d’engagement dans la pratique.
Cette jurisprudence incite fortement à la rédaction contractuelle : il est conseillé aux rédacteurs de pactes de préférence de prévoir expressément une durée déterminée, voire des modalités précises de résiliation, afin d’éviter tout contentieux ultérieur et de sécuriser les relations.
Enfin, cette décision dépasse le cas particulier des pactes antérieurs à la réforme de 2016 et pourrait s’appliquer, par assimilation, aux pactes conclus après l’entrée en vigueur de l’article 1210 du Code civil.
Pacte de préférence à durée indéterminée : enseignements et précautions à retenir
Le pacte de préférence conserve toute son utilité comme mécanisme garantissant un droit prioritaire sans contraindre le promettant à vendre, offrant ainsi une souplesse précieuse dans le monde immobilier, commercial et patrimonial.
L’arrêt de septembre 2024 vient moderniser et équilibrer ce dispositif en interdisant un engagement perpétuel, mais en offrant une sécurité par le principe de résiliation avec préavis. Il souligne la nécessité de bien encadrer cet engagement dans le temps.
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❓ FAQ – Pacte de préférence à durée indéterminée
Qu’est-ce qu’un pacte de préférence à durée indéterminée ?
Un pacte de préférence à durée indéterminée est un contrat par lequel une personne s’engage à proposer prioritairement la vente ou la cession d’un bien à un bénéficiaire, sans fixer de limite de temps. Il crée un droit de priorité, mais ne contraint pas le promettant à vendre. Cette absence de durée peut toutefois soulever des questions de validité juridique, notamment au regard de l’interdiction des engagements perpétuels.
Un pacte de préférence sans durée est-il valable ?
Oui. La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 septembre 2024, a confirmé qu’un pacte de préférence sans durée déterminée n’est pas nul. Il est simplement considéré comme un contrat à durée indéterminée, que chaque partie peut résilier à tout moment, sous réserve de respecter un préavis raisonnable.
Quelle différence entre un pacte de préférence et une promesse unilatérale de vente ?
La promesse unilatérale de vente oblige le promettant à vendre le bien selon des conditions déjà fixées. Le pacte de préférence, lui, n’impose pas la vente : il confère seulement un droit de priorité au bénéficiaire si le promettant décide de vendre. C’est donc un engagement plus souple, mais aussi plus incertain pour le bénéficiaire.
Comment résilier un pacte de préférence à durée indéterminée ?
Chaque partie peut résilier un pacte de préférence à durée indéterminée, à condition de notifier sa décision à l’autre partie et de respecter un délai de préavis suffisant. En l’absence de clause contractuelle, la jurisprudence impose un préavis raisonnable pour éviter tout abus de droit.
Quelles précautions prendre lors de la rédaction d’un pacte de préférence ?
Il est fortement recommandé de fixer une durée déterminée, de prévoir des modalités précises de résiliation et de formaliser la procédure de notification en cas de vente. Ces clauses limitent les risques de contentieux et garantissent la sécurité juridique des parties.
Pourquoi se faire accompagner par un avocat pour un pacte de préférence ?
Un avocat veille à la conformité du pacte de préférence avec le Code civil (articles 1123 et 1210), anticipe les risques liés à la durée et à la résiliation, et sécurise les intérêts de son client.
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