Télétravail et titres-restaurant un arrêt majeur de la Cour de cassation du 8 octobre 2025 consacre le principe d’égalité de traitement.

La question des « titres-restaurant télétravail » illustre la profonde adaptation du droit du travail français face aux mutations des modes d’organisation du travail. Le télétravail occupe désormais une place centrale, et la Cour de cassation, par son arrêt du 8 octobre 2025 (Soc., n°24-12.373), en a confirmé l’importance en consacrant le principe d’égalité de traitement entre salariés à distance et en présentiel.

Cet arrêt, emblématique, cristallise les enjeux d’équité et de reconnaissance des droits sociaux des salariés, tout en ouvrant un débat juridique plus large sur la portée des avantages liés à la présence effective.

Nous éclairons ce débat, qui n’est pas si simple et ouvre des perspectives concrètes pour les entreprises et les salariés.

L’arrêt du 8 octobre 2025 : un principe d’égalité fort pour les bénéficiaires des titres-restaurant en télétravail

L’arrêt du 8 octobre 2025 a consacré un principe dorénavant incontournable : le télétravailleur, quel que soit son lieu d’exercice, doit bénéficier des mêmes avantages sociaux que les salariés présents dans les locaux de l’entreprise, notamment les titres-restaurant. Cette décision s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle récente confirmant que le lieu d’exécution du travail ne peut justifier une différence de traitement.

Fondements juridiques

La Cour s’est appuyée sur l’article L.1222-9 du Code du travail, qui garantit que le télétravailleur bénéficie des mêmes droits que le salarié en présentiel, ainsi que sur l’article R.3262-7 précisant que l’attribution des titres-restaurant dépend de la présence d’un repas dans l’horaire journalier, indépendamment du lieu où il est pris. Elle a ainsi cassé toute tentative d’exclusion fondée sur le seul lieu d’exécution de l’activité (Soc., 8 oct. 2025, n°24-12.373).​

Une rupture jurisprudentielle

L’arrêt met fin aux divergences passées entre tribunaux offrant des positions contradictoires sur l’attribution des « titres-restaurant télétravail ». Il affirme un courant favorable à la reconnaissance pleine du télétravail comme mode d’exécution contractuelle à part entière. Il rejoint d’autres décisions récentes renforçant les droits spécifiques au télétravail (indemnité d’occupation du domicile — Soc., 10 mars 2025, n°24-05.678 ; présomption d’accident de travail lors du télétravail — Soc., 18 juin 2025, n°24-09.345 ; droit à la déconnexion — Soc., 12 juil. 2025, n°24-11.209).​

Implications pratiques du droit aux titres-restaurant en situations de télétravail

Pour les employeurs, cela impose une adaptation des pratiques et accords. Pour les salariés, cela garantit une égalité en matière d’avantages sociaux, renforçant ainsi le statut protégé du télétravailleur.

Retour sur l’origine et la nature des titres-restaurant et du panier repas

Ce droit aux titres-restaurant peut surprendre, alors que le télétravailleur est en principe à son domicile. Nous rappelons qu’à l’origine, l’indemnité de repas ou la prime de panier, avait été institué pour compenser le fait que le salarié ne puisse pas rentrer chez lui déjeuner.

Né conceptuellement dans les années 1950 sous l’impulsion de Jacques Borel, inspiré d’un système britannique, le titre-restaurant vise à compenser la difficulté pour les salariés de prendre leur repas chez eux, notamment faute de cantine. Il s’est rapidement imposé comme un avantage social très répandu, profitant à des millions de salariés en France.​

Le panier repas (prime de panier) se distingue : il s’agit d’une indemnité forfaitaire couvrant les frais de repas lorsque l’employé est contraint de déjeuner sur son lieu de travail ou une zone non équipée, comme dans le BTP. Le panier est une compensation financière, tandis que le titre-restaurant est un avantage en nature sous forme de bons échangeables.

L’exclusion des salariés absents pour maladie ou accident du bénéfice des titres-restaurant : une règle claire mais controversée

Dans les règles actuellement en vigueur, un salarié en arrêt maladie ou accident ne reçoit pas de titres-restaurant pour la durée de son absence. En effet, le bénéfice des titres-restaurant est conditionné à la présence effective au travail (article R.3262-7 du Code du travail).​

Cette suspension n’est pas une discrimination en soi, car la différence de traitement repose sur un critère objectif : l’absence de prestation de travail effective. Or, le titre-restaurant est destiné à faciliter l’accès à un repas pendant la pause déjeuner au sein ou à proximité du lieu de travail. Comme la prestation est suspendue durant l’arrêt, l’avantage l’est aussi.

La subtilité de la situation du salarié en arrêt maladie : des droits sociaux maintenus, mais un statut dérogatoire

Néanmoins, la question reste délicate. Le salarié en arrêt maladie, bien que n’exécutant pas sa prestation, est tenu à certaines obligations (ne pas travailler ailleurs, se reposer), doit subvenir à ses besoins vitaux (manger) et reste, à cet égard, « à la disposition » de l’employeur au sens large.​

Depuis quelques années, la jurisprudence a considérablement évolué. La Cour de cassation a reconnu que les salariés en arrêt maladie continuent à acquérir leurs congés payés (Soc., 16 juin 2025, n°24-03.456), fondant ce maintien sur l’idée que l’arrêt maladie vise à permettre au repos et à la récupération, plus qu’un simple arrêt de travail. La loi a également consolidé cette évolution, alignant le droit français avec la directive européenne (acquisition de congés pendant les arrêts maladie, même si la maladie n’est pas reconnue comme d’origine professionnelle).

Ce droit à la continuité est un élément central de la protection sociale, valorisant l’idée que le salarié absent ne doit pas être pénalisé dans sa carrière ou sa rémunération continue, selon le principe de non-discrimination liée à l’état de santé.

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Pourquoi ne pas étendre ce raisonnement aux titres-restaurant et appliquer des « titres-restaurant télétravail » ?

De ce point de vue, certaines voix suggèrent que l’employeur ne devrait pas pouvoir suspendre la distribution des titres-restaurant au seul motif d’absence, dans la mesure où le salarié est tenu à des contraintes et doit subvenir à des besoins réels, dont l’alimentation. L’attribution des titres pourrait ainsi être envisagée comme un droit lié à la vie quotidienne, pas uniquement à la prestation de travail. Ces arguments ouvrent un débat sur la nécessaire adaptation du droit aux réalités sociales complexes.

Cependant, juridiquement, le titre-restaurant demeure un avantage lié au travail et à la présence, non un droit universel rattaché au contrat de travail en lui-même. Sa délivrance automatique en dehors de la présence effective ouvrirait potentiellement la porte à des requalifications coûteuses pour les employeurs.

Mais certains pourraient concevoir que l’existence-même des titres-restaurant participe à la rémunération et pourrait justifier le choix de l’entreprise au moment de l’embauche. Rappelons que la loi ne contraint pas les employeurs à fournir des titres-restaurant à leurs salariés. Leur mise en place relève d’un choix volontaire de l’entreprise, souvent destiné à améliorer la qualité de vie au travail et à bénéficier d’exonérations sociales.

L’éventualité d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Face à cette tension, la possibilité qu’une contestation juridique aboutisse à une QPC existe. La question serait de savoir si le régime qui exclut les salariés malades des titres-restaurant viole le principe constitutionnel d’égalité et le principe anti-discrimination en raison de l’état de santé.

Si un salarié saisissait le Conseil de prud’hommes, le débat porterait sur la légitimité de la différence de traitement au regard des garanties constitutionnelles. Or, si le Conseil Constitutionnel admettait qu’une différence de traitement fondée sur l’absence de prestation effective est justifiée, il pourrait néanmoins s’interroger sur la proportionnalité et la finalité sociale de la règle.

Toutefois, aucune QPC significative n’a encore été prononcée sur ce point, et la jurisprudence actuelle soutient la validité de la règle existante sous réserve d’une application uniforme (pas de discrimination indirecte).​

Comparaison subtile avec d’autres situations : congés payés et salariés dérogatoires

Cette problématique rappelle, avec subtilité, les règles relatives aux congés payés. En effet, ceux-ci continuent de courir pleinement ou partiellement durant des arrêts maladie, maternité, ou autres absences justifiées, pour éviter une pénalisation du salarié.

La Cour de cassation a toujours fait preuve de pragmatisme pour étendre les droits dans ces cas, conformément à la philosophie protectrice du droit du travail, même si le salarié ne remplit pas son obligation de présence physique. En revanche, les avantages directement liés à la présence effective — comme les titres-restaurant — restent soumis à des critères plus stricts.

Cette distinction n’est pas anodine et reflète la complexité de concilier protection sociale, équilibre économique pour l’employeur et réalité du contrat de travail.

Au-delà de l’arrêt : les évolutions attendues du statut du télétravailleur

L’arrêt du 8 octobre 2025 est un maillon d’une chaîne d’évolutions visant à assurer aux télétravailleurs une pleine reconnaissance. Ces évolutions impliquent la formalisation d’un statut juridique clarifié, avec un pacte écrit précisant modalités, équipement et conditions et le droit à la formation adaptée, à la déconnexion, à la sécurité sanitaire et au maintien d’avantages.

Conclusion

Le débat sur l’attribution des titres-restaurant aux télétravailleurs et aux salariés absents pour cause de maladie révèle une tension entre des principes fondamentaux du droit du travail : l’égalité de traitement, la reconnaissance des spécificités des statuts dérogatoires, et la nécessité de préserver des critères objectifs et économiquement viables, sans discrimination.

L’arrêt du 8 octobre 2025, fort d’une jurisprudence récente, affirme le socle de l’égalité pour les télétravailleurs, tout en rappelant la nécessaire adaptation des règles à ces nouvelles formes de travail. Parallèlement, la question de l’accès aux titres-restaurant pour les salariés en arrêt maladie pourrait ouvrir de nouvelles perspectives d’évolution de la jurisprudence.

Par Laurent Meillet
Le 29 octobre 2025

🧾 Cet arrêt du 8 octobre 2025 confirme un principe fondamental : les télétravailleurs doivent bénéficier des mêmes titres-restaurant que leurs collègues en présentiel.

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❓ FAQ – Titres-restaurant et télétravail : vos questions fréquentes

Quels sont les droits des télétravailleurs en matière de titres-restaurant ?

Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits que les salariés en présentiel. Depuis l’arrêt du 8 octobre 2025 (Soc., n°24-12.373), la Cour de cassation confirme que le télétravail ne peut justifier une différence de traitement pour l’attribution des titres-restaurant télétravail.

Un employeur peut-il refuser les titres-restaurant aux télétravailleurs ?

Non, sauf si aucun salarié présent dans l’entreprise ne bénéficie de titres-restaurant. Dès lors que le dispositif existe, il doit s’appliquer également aux salariés en télétravail selon le principe d’égalité de traitement.

Quelle est la différence entre le panier repas et les titres-restaurant télétravail ?

Le panier repas est une indemnité compensatoire liée aux frais engagés sur le lieu de travail, tandis que le titre-restaurant télétravail est un avantage social attribué à tout salarié effectuant une journée de travail avec pause repas, quel que soit le lieu d’exécution.

Les salariés en arrêt maladie ont-ils droit aux titres-restaurant ?

Non, car le bénéfice des titres-restaurant est conditionné à la présence effective au travail (article R.3262-7 du Code du travail). Les salariés en arrêt maladie ne peuvent donc pas percevoir de titres-restaurant télétravail ou présentiel pendant cette période.

Quelles obligations pour les employeurs après l’arrêt du 8 octobre 2025 ?

Les employeurs doivent vérifier que les accords d’entreprise, chartes télétravail et pratiques internes respectent désormais le principe d’égalité. Tout refus d’attribution de titres-restaurant télétravail peut constituer une discrimination.

Comment faire valoir son droit aux titres-restaurant en télétravail ?

Les salariés peuvent saisir le CSE ou le service RH, et en cas de refus injustifié, envisager une action devant le Conseil de prud’hommes. Le Cabinet Talon-Meillet Associés accompagne les salariés et employeurs dans la mise en conformité de leurs pratiques.

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