La saisine du Juge des Référés occupe une place centrale dans la justice civile française. Elle permet, en cas d’urgence ou en l’absence de contestation sérieuse, d’obtenir rapidement des mesures provisoires sans attendre la décision du juge du fond. Cette procédure d’urgence, essentielle à la protection des droits et à la prévention des dommages imminents, s’articule étroitement avec la saisine du juge du fond, dont la mission est de statuer définitivement sur le litige.
Toutefois, la complexité du procès moderne et la multiplication des situations d’urgence suscitent aujourd’hui une articulation particulière entre ces deux juridictions, parfois au sein d’une même affaire.
Les principes de la saisine du Juge des Référés
La procédure de référé est en principe ouverte lorsque l’urgence justifie que des mesures provisoires soient prises. L’article 834 et suivants du Code de procédure civile régit le référé devant le Tribunal judiciaire.
Elle permet au Juge des référés d’ordonner des mesures conservatoires ou de remise en état lorsqu’il existe un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent.
- La procédure est orale, contradictoire et rapide.
- La décision est exécutoire immédiatement, mais ne dispose pas de l’autorité de chose jugée au principal.
- Les mesures ordonnées sont provisoires et ne préjugent pas du fond de l’affaire.
Cette célérité et cette flexibilité font du juge des référés une figure incontournable de la protection judiciaire d’urgence.
Saisine du Juge des Référés et articulation avec le juge du fond
L’un des points les plus sensibles du référé est son articulation avec le Juge du fond. C’est une question qui nous est souvent posée : peut-on saisir le Juge des référés lorsqu’une instance au fond est déjà introduite ?
Oui, si une urgence survient en cours d’instance ou nécessite une intervention avant la décision sur le fond.
Les mesures prises par le Juge des référés subsistent jusqu’à ce que le Juge du fond statue, lequel peut naturellement les modifier ou les révoquer. C’est pour cela qu’on dit que la décision du Juge des référés ne préjuge pas du fond. L’Ordonnance de référé ne vaut que jusqu’au jugement du Juge du fond.
Jurisprudence récente sur la saisine du Juge des Référés
Ordonnance du Conseil d’état du 22 mars 2020 – crise sanitaire
La crise de la COVID-19 a massivement sollicité le Juge des référés à tous niveaux. Dans l’Ordonnance du 22 mars 2020, le Conseil d’État, saisi par le syndicat Jeunes Médecins, a ordonné au Gouvernement de réexaminer les mesures de confinement. Le Juge des référés, compétent en cas d’atteinte à une liberté fondamentale (article L.521-2 Code de justice administrative), a démontré ici que l’urgence sanitaire pouvait justifier une intervention immédiate, y compris en présence d’une procédure au fond.
Il s’agit là d’un modèle d’intervention d’office élargi, où l’administration a été tenue d’affiner ses choix réglementaires pour garantir le droit à la vie et à la santé.
Référés-suspension et saisine répétée du Juge des Référés – Conseil d’État, Section, 22 septembre 2023
Cet arrêt a clarifié la portée des « référés-suspension à répétition » : un requérant peut, tant que le contrat n’est pas signé ou tant que le litige n’est pas tranché définitivement, saisir à plusieurs reprises le Juge des référés, en cas de survenance d’éléments nouveaux. Cette faculté est justifiée par le caractère provisoire et non définitif des Ordonnances de référé, qui n’ont pas autorité de chose jugée. Ainsi, lorsque vous perdez en référé, vous pouvez toujours saisir une seconde fois le même Juge des référés, si un élément nouveau est survenu et nul ne peut vous soulever comme fin de non-recevoir le principe de l’autorité de la chose jugée.
Ce mécanisme protège ainsi le justiciable contre la survenance de faits nouveaux ou l’aggravation de l’urgence pendant l’instance au fond.
Délivrance des visas de regroupement familial – Conseil d’État, 22 janvier 2021
Dans le contexte post-pandémique, le Juge des référés a suspendu une décision gouvernementale de non-délivrance de visas de regroupement familial. La possibilité d’enjoindre l’administration, même lorsque des recours au fond sont parallèlement pendants, illustre la pertinence et la nécessité du référé en matière de protection des droits fondamentaux.
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Saisine du Juge des Référés devant le juge administratif et judiciaire
Dans une décision du 27 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé le principe selon lequel le Juge des référés peut intervenir lorsqu’un acte administratif pose un risque d’atteinte immédiate à un intérêt essentiel. De même, la Lettre de jurisprudence du tribunal administratif de Melun (juin 2025) rappelle que l’intervention du Juge des référés reste possible dans des délais permettant au justiciable de saisir utilement.
Le Conseil d’État a jugé récemment, le 17 février 2025 (n°501479), qu’une saturation du dispositif d’hébergement d’urgence n’équivalait pas à une carence caractérisée, mais que le référé restait un recours pertinent pour circonscrire les urgences dans le cadre d’un contentieux du social.
Apports doctrinaux et perspectives
La jurisprudence récente confirme que l’office du Juge des référés se développe selon deux axes majeurs :
- L’élargissement des libertés et droits protégés en référé : référé-liberté, référé-remise en état, référé-suspension, référé mesures utiles.
- La possibilité de réitérer les instances en référé chaque fois que l’urgence se renouvelle ou que des faits nouveaux apparaissent au cours de la procédure au fond.
Cette dynamique traduit une évolution de l’accès à la justice d’urgence, qui n’est plus limitée à la simple préservation de l’état des lieux, mais peut s’étendre à la protection active des personnes et des droits fondamentaux, notion au cœur de notre analyse dans l’article La primauté des principes fondamentaux : enjeux, portée, conflits et jurisprudence.
Limites et précautions
Cependant, des limites existent :
- L’intervention du juge des référés ne peut jamais aborder le fond du litige. Il doit se borner à constater l’existence de l’urgence ou du trouble et à ordonner la mesure strictement nécessaire.
- Les Ordonnances de référé sont donc provisoires ; elles peuvent être modifiées ou annulées par le Juge du fond ou lors de l’apparition d’éléments nouveaux.
- Comme l’a rappelé le Conseil d’État, la multiplication des référés ne doit pas déboucher sur un encombrement ou une dénaturation de la procédure – ainsi, seul le dernier pourvoi en cassation est recevable.
Conclusion : la saisine du Juge des Référés, un outil essentiel d’urgence
Le référé devant le Tribunal judiciaire, ainsi que ses déclinaisons au niveau administratif, est un mécanisme de protection indispensable issu d’une tradition de flexibilité et de pragmatisme.
Même lorsque le Juge du fond est saisi, le référé conserve toute sa pertinence pour gérer les urgences, protéger les droits fondamentaux ou éviter des dommages irréparables.
L’actualité jurisprudentielle montre que le Juge des référés demeure au cœur du dialogue entre les droits individuels et l’action des pouvoirs publics, assurant à chaque justiciable un accès rapide et efficace à la justice, sans jamais préjuger de la solution de fond.
Conseils pratiques
Attention à ne pas saisir le Juge des référés dès lors que le Juge de la Mise en État est saisi dans le cadre de la procédure au fond. Vous vous exposeriez à être condamné à verser une indemnité de procédure à votre adversaire. En effet, le Juge de la Mise en État, dans le cadre de la procédure au fond, recouvre les mêmes pouvoirs que le Juge des référés.
Toutefois, je Juge des référés reste compétent si, bien évidemment, votre demande de référés n’entre pas dans le champ de la procédure au fond dont est saisi le Tribunal.
Même lorsque le juge du fond est déjà saisi, la saisine du Juge des Référés peut être la clé pour éviter un dommage irréparable.
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❓FAQ – La saisine du Juge des Référés
1. Qu’est-ce que la saisine du Juge des Référés ?
La saisine du Juge des Référés consiste à demander au juge d’ordonner, dans l’urgence, des mesures provisoires destinées à prévenir un dommage ou à faire cesser un trouble manifestement illicite. Elle ne préjuge jamais du fond du litige, qui reste de la compétence du juge du fond.
2. Dans quels cas peut-on saisir le Juge des Référés ?
La saisine est possible lorsqu’il existe :
-
une urgence nécessitant une décision immédiate,
-
un trouble manifestement illicite,
-
un dommage imminent,
ou encore lorsqu’une liberté fondamentale est menacée (référé-liberté, art. L.521-2 du Code de justice administrative).
3. Peut-on saisir le Juge des Référés après la saisine du Juge du fond ?
Oui, la saisine du Juge des Référés après la saisine du Juge du fond est possible si une urgence survient en cours d’instance ou si une mesure provisoire s’impose avant le jugement définitif.
Le juge du fond peut ensuite confirmer, modifier ou annuler les mesures prises en référé.
4. Quelle est la différence entre le Juge des Référés et le Juge du fond ?
Le Juge des Référés statue à titre provisoire et dans l’urgence.
Le Juge du fond, lui, tranche le litige définitivement au terme d’une procédure plus longue et contradictoire.
Les décisions du Juge des Référés n’ont pas autorité de chose jugée au principal.
5. Quelle est la base légale de la saisine du Juge des Référés ?
Les règles sont définies par les articles 834 à 838 du Code de procédure civile pour le juge judiciaire, et par les articles L.521-1 et suivants du Code de justice administrative pour le juge administratif.
6. Quels sont les types de référé possibles ?
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Référé d’urgence (article 834 CPC) : en cas d’urgence manifeste.
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Référé conservatoire ou de remise en état : pour prévenir un dommage ou faire cesser un trouble.
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Référé-provision : pour obtenir une avance sur une créance non sérieusement contestable.
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Référé-liberté (administratif) : pour protéger une liberté fondamentale.
-
Référé-suspension : pour suspendre l’exécution d’une décision administrative contestée.
7. Quelle est la procédure pour saisir le Juge des Référés ?
La procédure est orale, contradictoire et rapide :
-
Une assignation est délivrée par huissier (ou requête au président du tribunal administratif).
-
L’audience est tenue sous un délai réduit, souvent sous quelques jours.
-
L’ordonnance de référé est exécutoire immédiatement, même en cas d’appel.
8. Peut-on saisir plusieurs fois le Juge des Référés pour la même affaire ?
Oui, en cas d’éléments nouveaux ou d’urgence renouvelée, le justiciable peut présenter une nouvelle saisine du Juge des Référés.
Le Conseil d’État (22 sept. 2023) a confirmé la légitimité des “référés-suspension à répétition” dans certaines situations.
9. Quelle est la portée d’une ordonnance de référé ?
L’ordonnance de référé a une portée provisoire : elle s’applique jusqu’à ce que le juge du fond statue.
Elle peut être modifiée ou révoquée en cas d’évolution de la situation ou de décision au fond.
10. Quelles sont les limites de la saisine du Juge des Référés ?
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Le juge des référés ne peut jamais trancher le fond du litige.
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Il doit se limiter à des mesures strictement nécessaires.
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Si la demande relève de la compétence du juge de la mise en état, la saisine du juge des référés peut être jugée abusive.
11. Quelle jurisprudence illustre l’importance du juge des référés ?
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CE, 22 mars 2020 (crise sanitaire) : intervention d’urgence pour garantir le droit à la santé.
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CE, 22 janv. 2021 (regroupement familial) : suspension d’une décision de refus de visa.
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CE, 22 sept. 2023 (référé-suspension) : confirmation de la recevabilité de saisines successives.
12. Combien de temps dure une procédure en référé ?
La durée dépend de l’urgence, mais l’audience peut se tenir sous 48 heures à 15 jours selon la juridiction.
La décision est souvent rendue dans la semaine qui suit.
13. Le recours à un avocat est-il obligatoire ?
Oui, devant le Tribunal judiciaire, la représentation par avocat est en principe obligatoire, sauf pour les affaires relevant du juge des contentieux de la protection.
Devant le juge administratif, la représentation par avocat est obligatoire devant les juridictions supérieures (CAA, CE).
14. Que se passe-t-il si le juge du fond est déjà saisi ?
Si le juge de la mise en état est compétent dans le cadre de la procédure au fond, le juge des référés ne peut plus être saisi pour la même demande.
Cependant, il reste compétent si la demande porte sur un objet distinct ou une urgence nouvelle.
15. Quels sont les avantages de la saisine du Juge des Référés ?
-
Rapidité d’intervention.
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Mesures exécutoires immédiatement.
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Protection efficace des droits fondamentaux.
-
Prévention des dommages irréparables.
16. Peut-on faire appel d’une ordonnance de référé ?
Oui, un appel est possible dans les 15 jours suivant la signification de l’ordonnance.
Mais l’appel n’a pas d’effet suspensif, sauf décision contraire du premier président de la cour d’appel.
17. À qui s’adresser pour être accompagné ?
Un avocat en droit civil ou administratif peut vous conseiller sur la saisine du Juge des Référés, évaluer l’urgence et rédiger l’assignation ou la requête adaptée à votre situation.
























