L’annexion de parties communes

L’annexion de parties communes en copropriété est une opération juridique délicate qui consiste, pour un copropriétaire, à intégrer à son lot privatif une fraction de l’immeuble initialement destinée à l’usage collectif. Cette démarche concerne souvent des espaces tels qu’une partie de couloir, un palier, un bout de jardin, un toit-terrasse, une chaufferie désaffectée. Cette privatisation partielle d’une partie commune requiert un encadrement strict afin de respecter les droits de tous les copropriétaires et la destination de l’immeuble.

Nous allons vous expliquer la nature des parties communes susceptibles d’être annexées, décrire les procédures à suivre, et intégrer des notions importantes relatives aux droits à construire, à la prescription acquisitive et à l’obligation de maintenir l’affectation initiale des parties annexées.

I. La nature et les typologies des parties communes annexables en copropriété

Les parties communes en copropriété, telles que définies par la loi du 10 juillet 1965, regroupent toutes les parties du bâtiment et du terrain affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires, sauf exception prévue dans le règlement.

Différentes catégories existent :

  • Parties communes générales : accessibles et utilisées par tous (ex. couloirs, escaliers, cours, jardins).
  • Parties communes spéciales : réservées à l’usage exclusif ou partagé de certains copropriétaires (par exemple, un palier desservant des lots d’un même étage).
  • Droits de jouissance exclusifs : certains copropriétaires peuvent détenir un droit réel perpétuel leur accordant l’usage exclusif d’une partie commune sans en être propriétaires.

Ces parties communes peuvent varier de la taille et de la nature urgente — des bouts de couloir, aux toits-terrasses, locaux techniques désaffectés, ou jardins communs.

II. Qualification juridique préalable avant toute annexion de parties communes en copropriété

Avant toute annexion, il est indispensable de qualifier la partie commune concernée :

  • Est-elle une partie commune générale à destination collective ?
  • Est-elle une partie commune spéciale en indivision appartenant à certains copropriétaires seulement ?
  • Bénéficie-t-elle d’un droit de jouissance exclusif ?

Cette qualification détermine les règles de majorité applicables, la procédure nécessaire, ainsi que la portée juridique de l’annexion.

III. Procédures d’annexion de parties communes selon leur nature

1. Annexion d’une partie commune générale : procédure et vote en copropriété

Le copropriétaire intéressé doit acquérir un nouveau lot constitué de la partie commune (ex. « bout de couloir issu des parties communes ») au sein du syndicat des copropriétaires.

  • L’acquisition requiert un vote à la majorité renforcée prévue par l’article 26 de la loi de 1965 (majorité des copropriétaires représentant au moins deux tiers des voix).
  • La création de ce lot entraîne la modification de l’état descriptif de division et, en cas de besoin, du règlement de copropriété.
  • Après acquisition, le nouveau lot est réuni au lot principal, formant une seule unité indivisible.
  • Cette réunion ne nécessite pas une nouvelle approbation de l’assemblée générale concernant la répartition des charges.

2. Annexion d’une partie commune spéciale indivise

Lorsqu’une partie commune est en indivision entre plusieurs copropriétaires :

  • Seuls les titulaires des lots indivis peuvent décider de créer un lot spécifique correspondant.
  • L’assemblée générale ou une assemblée spéciale des copropriétaires concernés doit approuver cette opération, créant un lot privatif isolé auquel sont attribués tantièmes et charges.
  • Ce lot peut ensuite être vendu à un copropriétaire qui le réunit à son lot existant.

3. Annexion d’une partie commune spéciale par un seul copropriétaire

Si un seul copropriétaire possède l’ensemble des lots liés à une partie commune spéciale, il décide seul de sa transformation en lot privatif.

  • Cette opération ne requiert pas d’assemblée générale.
  • Pour réunir formellement les lots, une transformation de la partie commune spéciale en lot privatif avec attribution de tantièmes s’impose, sans augmentation globale des charges.
  • En pratique, les outils de gestion peuvent parfois perturber la procédure en assimilant parties communes générales et spéciales.

4. Transformation du droit de jouissance exclusif en lot privatif

Le propriétaire d’un droit de jouissance exclusif doit acheter auprès du syndicat un lot « intermédiaire » correspondant à la nue-propriété de la partie commune.

  • Cette cession est soumise à la majorité renforcée de l’article 26.
  • Ce lot est ensuite réuni au lot principal du copropriétaire.

IV. Droits à construire et travaux liés à l’annexion de parties communes

Le droit à construire, intégré au patrimoine foncier de la copropriété, influence fortement toute opération d’annexion comportant des travaux ou modifications structurelles.

  • Toute utilisation ou aliénation d’un droit à construire, notamment surélévation, création d’espaces privatifs sur parties communes (vérandas, terrasses…), doit être autorisée par l’assemblée générale selon l’article 26.
  • Lorsqu’une annexion entraîne une modification de la destination de l’immeuble, l’accord de la collectivité des copropriétaires est impératif.
  • Le droit de jouissance exclusif n’ouvre pas automatiquement un droit à construire : les travaux modifiant la structure ou l’aspect de l’immeuble doivent obtenir une approbation préalable à l’assemblée.
  • La loi ELAN a renforcé ces règles afin de préserver l’équilibre entre droits privés et intérêts collectifs.

Ainsi, toute annexion accompagnée de travaux impliquant un droit à construire doit respecter un double cadre : celui de la copropriété et des règles d’urbanisme.

V. Modification de l’état descriptif de division et du règlement de copropriété : une étape incontournable

L’un des volets les plus techniques et essentiels de l’annexion concerne la modification des documents juridiques et cadastraux de la copropriété.

  • Lors de l’annexion, il faut créer un nouveau lot correspondant à la partie commune annexée, avec attribution d’un nouveau numéro officiel.
  • Ce lot reçoit une quote-part des tantièmes de copropriété et des charges proportionnelle à sa valeur relative.
  • Le nouveau lot est ensuite réuni au lot principal du copropriétaire qui a acquis la partie commune.
  • Cette réunion implique la suppression des deux lots initiaux (le lot privatif et le lot correspondant à la partie commune).
  • Finalement, un lot unique est créé, englobant les deux espaces avec un numéro unique, empêchant ainsi la cession dissociée ultérieure.
  • Ces opérations modifient nécessairement le règlement de copropriété afin d’ajuster la répartition des tantièmes, charges et droits d’usage.
  • Ces modifications sont opérées avec le concours d’un notaire, garant de la validité formelle.
  • Une publication obligatoire de tous ces actes auprès du service de la publicité foncière est requise pour assurer leur opposabilité aux tiers.

Cette rigueur permet la parfaite transparence et la sécurité juridique de l’opération pour la collectivité.

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VI. Cas spécifiques d’annexion de parties communes : jardin, toit-terrasse, chaufferie

1. Annexions de bouts de jardin

Les jardins communs, espaces collectifs importants pour la qualité de vie en copropriété, peuvent être annexés sous conditions, en respectant la procédure et sans compromettre les droits collectifs.

2. Annexions de toits-terrasses

L’annexion d’un toit-terrasse, espace stratégique souvent à forte valeur, est soumise à une réglementation renforcée, notamment en matière d’urbanisme et de structure porteuse (étanchéité, isolation, poids).

3. Annexions de locaux techniques désaffectés

Les locaux techniques inutilisés (chaufferies, caves) maintiennent leur statut de partie commune jusqu’à cession formelle. Leur annexion est possible mais encadrée par les mêmes règles formelles.

VII. Clauses d’anticipation et droits de couloir : annexer une partie commune prévue au règlement

Certains règlements de copropriété contiennent des clauses autorisant un copropriétaire unique à annexer une partie commune à certaines conditions, souvent dans l’hypothèse de réunion de lots contigus.

La jurisprudence tend à considérer ces clauses comme inopposables, car elles portent atteinte à la compétence exclusive de l’assemblée générale.

Toutefois, des droits de jouissance exclusifs temporaires ont été validés, avec la condition expresse de solliciter l’assemblée pour tout travaux les affectant.

VIII. Annexion irrégulière de parties communes : risques et sanctions

Un copropriétaire qui occupe ou utilise une partie commune sans autorisation engage des risques sérieux :

  • Action en justice pour restitution et remise en état.
  • Nullité des actes d’appropriation.
  • Risque de prescription pouvant ne pas éteindre la créance des copropriétaires lésés.
  • Nécessité de procédure de régularisation longue et coûteuse.

Ces litiges fragilisent la paix sociale et peuvent entraîner des dépréciations immobilières.

IX. Prescription acquisitive et limites à l’annexion illégale de parties communes

La prescription acquisitive, ou usucapion, permet théoriquement d’acquérir la propriété d’un bien par possession prolongée.

En copropriété, face à l’indivision collective, cette voie est très encadrée :

  • Pour être susceptible d’être reconnue, la possession doit apparaître dans un acte régulier et conforme couvrant la partie commune annexée.
  • La simple occupation ou annexion sans consentement ne suffit pas.
  • La prescription acquisitive d’une partie commune annexée est donc difficile à valider en pratique, protégeant ainsi les droits collectifs.

X. Obligation de conserver l’affectation initiale de la partie annexée : un principe fondamental

L’annexion ne modifie en rien l’affectation originelle de la partie commune :

  • L’annexion d’un bout de jardin ne crée pas de droit à construire sur cette parcelle, ni ne permet une transformation en espace bâti.
  • De même, annexer une chaufferie désaffectée en sous-sol à un lot d’habitation ne transforme pas la chaufferie en local à usage d’habitation.
  • Toute modification d’usage ou de destination d’une partie commune annexée nécessite une autorisation expresse en assemblée générale (majorité appropriée) et la conformité aux règles d’urbanisme.
  • Ce principe protège la cohésion et la destination de l’immeuble et évite des conflits entre copropriétaires.

XI. Conclusion – L’annexion de parties communes : équilibre entre intérêt privé et collectif

L’annexion de parties communes demeure un enjeu majeur en copropriété, mêlant ambitions individuelles et respect collectif.

Les multiples facettes — qualification juridique, procédures spécifiques, prise en compte des droits à construire, modifications réglementaires et cadastrales, obligations quant à l’affectation, risques liés aux annexions irrégulières et limites à la prescription — illustrent la complexité du sujet.

Le soutien d’un professionnel du droit et des experts techniques (géomètre-expert, notaire) est essentiel pour mener ces projets en conformité, en sécurisant juridiquement les opérations et en préservant la valeur et la tranquillité du patrimoine collectif.

Conseils pratiques

  • Faites-vous accompagner par un professionnel du droit pour la gestion complète du projet.
  • Faites réaliser par un géomètre-expert un métrage précis afin d’établir un nouveau plan et état descriptif de division conformes à la réalité physique et juridique.
  • Notre cabinet vous accompagne dans la valorisation de la partie commune que vous allez devoir acheter à la copropriété.

Par Laurent Meillet
Le 1er décembre 2025

L’annexion de parties communes en copropriété requiert rigueur, autorisation et transparence.

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FAQ – Annexion de parties communes en copropriété

Qu’est-ce qu’une annexion de parties communes en copropriété ?

L’annexion de parties communes consiste, pour un copropriétaire, à intégrer à son lot privatif une partie initialement destinée à l’usage collectif (couloir, jardin, toiture, cave…). Cette opération transforme une partie commune en bien privatif, sous conditions strictes et après autorisation de l’assemblée générale.

Peut-on annexer une partie commune sans autorisation de l’assemblée générale ?

Non. L’annexion d’une partie commune nécessite une décision votée à la majorité renforcée de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Une appropriation sans autorisation expose le copropriétaire à une action en restitution, voire à la remise en état forcée.

Quelle majorité faut-il pour autoriser une annexion ?

L’assemblée générale des copropriétaires doit voter à la majorité des voix de tous les copropriétaires représentant au moins les deux tiers des tantièmes (article 26 de la loi de 1965). Si l’opération modifie la destination de l’immeuble, l’unanimité peut être requise.

Comment régulariser une annexion déjà réalisée sans autorisation ?

Une annexion irrégulière peut être régularisée a posteriori par un vote de l’assemblée générale et une modification du règlement de copropriété. Il faudra établir un acte notarié, créer un nouveau lot et publier la régularisation au service de la publicité foncière.

La prescription acquisitive permet-elle de devenir propriétaire d’une partie commune ?

Très rarement. En copropriété, la prescription acquisitive (ou usucapion) est difficile à faire valoir, car la possession doit être publique, non équivoque et reconnue par les autres copropriétaires. Une simple occupation ne suffit pas à acquérir la propriété.

Peut-on annexer un jardin, un toit-terrasse ou une chaufferie ?

Oui, mais selon des conditions spécifiques :

  • Jardin : possible si la copropriété y consent, avec modification du règlement.

  • Toit-terrasse : soumis à autorisation et respect des règles d’urbanisme.

  • Chaufferie : uniquement si elle est désaffectée et après décision de l’assemblée générale.

Qui prend en charge les frais liés à l’annexion ?

Tous les frais liés à l’annexion – géomètre, notaire, publication foncière, modification du règlement de copropriété – sont à la charge exclusive du copropriétaire bénéficiaire.

Quels sont les risques en cas d’annexion sans autorisation ?

Le copropriétaire s’expose à :

  • une action judiciaire du syndicat des copropriétaires ;

  • la nullité de l’annexion et la restitution des lieux ;

  • la perte de toute prescription acquisitive ;

  • le remboursement des frais de remise en état.

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